A l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, Virginie Phulpin évoque aujourd'hui le sport au féminin, dont le développement s'est accentué ces dernières années. Mais le Covid-19 est passé par là et les femmes sont, selon elle, les premières victimes de la crise sanitaire dans le sport.
C’est l’édito sport de Virginie Phulpin. Un édito pour les sportives ce matin, à l’occasion de la journée des droits des femmes. Pour vous, le développement et la reconnaissance du sport au féminin, reste une bataille de chaque jour.
Au départ je me suis dit ok on est le 8 mars, mais pourquoi est-ce qu’il faudrait forcément que je parle de sport au féminin aujourd’hui, je le fais régulièrement donc il n’y a pas de raison pour que là, ce soit une obligation morale. Ca ne doit pas être un devoir de bonne conscience du type "c’est bon j’ai parlé des femmes pour leur journée, on peut passer à autre chose ?" Mais en fait j’avais tort.
Chaque occasion est bonne pour parler des sportives. La médiatisation joue un rôle essentiel. Ca fait aussi partie de nos responsabilités, dans les médias, de tendre vers l’égalité. Il y a eu de grands changements depuis une dizaine d’années dans le développement du sport au féminin. Déjà on dit sport au féminin, et plus sport féminin, comme s’il s’agissait d’un sport un peu différent. Ca compte, les mots qu’on emploie. Il y a beaucoup de compétitions féminines qui ont connu un vrai succès, qui ont élargi leur public.
Maintenant, pour aller plus loin, il faut que les équipes dirigeantes se féminisent. Sinon, on va rester sur un vieux modèle d’instances sportives dirigées par des hommes, et donc plutôt en direction des hommes. Sur les 115 fédérations agréées par le ministère, 13 seulement sont dirigées par une femme. Alors certes, des quotas ont été instaurés, mais ça reste timide. Cela dit, pour l’élection à la tête du CNOSF, le comité olympique français, en juin, il y a 4 candidats. Deux femmes et deux hommes. Emmanuelle Bonnet-Oulaldj et Brigitte Henriques sont engagées, on est sur la bonne voie. Mais ça reste fragile, ces avancées.
Le sport au féminin souffre beaucoup depuis un an.
Les femmes sont les premières victimes de la crise sanitaire dans le sport. Elles sont devenues invisibles. Ca fait un an que des réflexions sont engagées sur le sport d’après, sur les changements nécessaires de modèle économique. Mais on parle de quel modèle ? Du sport masculin. Rien sur le sport au féminin ou presque. Je trouve ça assez parlant.
Et puis on arrête les compétitions beaucoup plus facilement chez les femmes que chez les hommes. Regardez le Tournoi des Six Nations. Dès le début du mois de janvier, le Tournoi féminin a été reporté au printemps. Alors qu’on a tout fait pour que le Tournoi masculin ait bien lieu aux dates prévues. Deux poids économiques, deux mesures.
En fait, quand tout va bien, on se targue de tout faire pour le développement du sport au féminin. Mais dès que quelque chose ne tourne plus rond, le sport se replie sur sa base ancestrale, le sport professionnel masculin. Et le reste n’existe plus, on s’en occupera quand ça ira mieux. En janvier j’avais parlé d’Alice Milliat, la principale ambassadrice du sport féminin il y a un siècle. Sa statue va être dévoilée aujourd’hui au CNOSF. Elle doit nous rappeler chaque jour que la lutte continue. Et que le 8 mars n’est pas la seule occasion de parler des sportives.