Le 1er janvier marque l'entrée en vigueur du Brexit, qui change beaucoup de choses pour le football européen. La sortie de l'Europe du Royaume-Uni est synonyme de fin de la libre circulation des joueurs entre le Vieux Continent et la Grande Bretagne. Mais si cela pourrait avoir des conséquences économiques importantes pour les clubs français à court terme, la nouvelle est beaucoup moins catastrophique sur la durée selon Virginie Phulpin.
C’est l’édito sport de Virginie Phulpin. Ca y est, le Brexit est là. Et il a de vraies conséquences sur le football français, puisque c’est la fin de la libre circulation des joueurs entre le Royaume-Uni et les autres pays européens. Pour vous, c’est catastrophique à court terme pour les clubs français, mais à moyen terme, en fait, c’est surtout une bonne nouvelle.
Ce Brexit tombe au pire moment possible pour les clubs français. On est en pleine pandémie, il n’y a pas de recettes de billetterie puisque les matches se jouent sans public. Et le plantage de Mediapro va plomber durablement les finances des clubs. Donc le moyen de trouver de l’argent, c’est de vendre des joueurs. Et là, paf, le Brexit vient compliquer sérieusement les transferts vers l’Angleterre.
Les clubs français ne peuvent plus vendre de joueurs mineurs aux clubs anglais, c’est très restreint pour les moins de 21 ans aussi. Et pour les autres, maintenant il faut un permis de travail, une sorte de permis à points, selon l’expérience internationale du joueur, le niveau de son club, ses résultats, etc… Si Kylian Mbappé a des envies d’Angleterre, pas de problème, hein, il pourra y aller. Mais pour un joueur de Ligue 2, ça va être quasiment impossible de rejoindre un modeste club anglais.
Alors à court terme c’est une catastrophe financière, oui. Mais essayons de voir un peu plus loin. Le Brexit va permettre au football français de changer, de se repenser. Et il ne l’aurait sans doute pas fait sans y être contraint. Vendre aux Anglais des joueurs de 17 ans qu’on n’a pas fini de former pour remplir les caisses, honnêtement, ça n’est pas une politique viable. Sur l’ensemble des jeunes pousses qui quittent le nid trop tôt, beaucoup se cassent le nez en Angleterre, parce qu’ils ne sont pas prêts, tout simplement. Et beaucoup ne remontent pas la pente après. Donc là, au moins, d’un point humain et éthique, on va y gagner. Les émissaires anglais ne vont plus piller nos centres de formation en faisant des adolescents prometteurs des marchandises bon marché.
Et finalement ça peut aussi servir les clubs français.
Ces jeunes joueurs vont finir leur formation en France, ils vont s’aguerrir sur nos terrains pendant deux ou trois ans de plus qu’aujourd’hui, et les clubs pourront les vendre beaucoup plus cher aux Anglais quand ils auront 22 ans. Ça c’est une première chose.
Ensuite, garder les meilleurs jeunes, ça veut aussi dire que le niveau du championnat de France va monter. On passe notre temps à se plaindre de la faiblesse de la Ligue 1 et de l’indice UEFA de la France qui plonge. Là, on a une vraie chance d’être plus compétitifs en conservant les plus doués plutôt que de les vendre.
Alors je sais, c’est un changement qui va être brutal, qui tombe au mauvais moment, et qui n’a pas été choisi par les clubs français. Et les deux ou trois prochaines années vont être très compliquées financièrement. Mais quand on aura passé ce moment critique, la Ligue 1 aura pris de la valeur. Sur le terrain, et dans les caisses.