Sadiq Khan, musulman et fils d'immigré pakistanais, vient d'être élu maire de Londres. Il souhaite devenir un exemple pour les minorités.
Une enfance pauvre, au milieu des dealers de crack et des vendeurs de kebabs. Statistiquement, Sadiq Khan avait, au départ, peu de chances de s’installer un jour dans le grand bureau de verre du London City Hall, qui surplombe la Tamise.
L’histoire d’un gosse d’immigrés pakistanais débarqués en Angleterre dans les années 60. Loin de Karachi : Tooting, un quartier dortoir de South London, ou 2 habitants sur 3 sont indous, sikhs ou musulmans. Une fratrie de 8 dans un 3-pièces. Sadik sera le 5ème Khan, et le premier à naître sur le sol britannique. Octobre 1970. Les Tories dominent le parlement et les Beatles se séparent sur Let It Be.
Les Khan sont un modèle d’intégration. Des gens discrets, honnêtes et travailleurs. L’inévitable cliché des gens modestes. Le père chauffe un bus à impérial, tandis que la mère assemble des robes à 50 pence l’unité. Le voisinage est tapageur, les cages d’escaliers dégoutantes, et il faut faire attention aux enfants, qui risquent les mauvaises fréquentations à chaque coin de rue.
Chez les Khan, on a du mal à joindre les 2 bouts, mais il y a ce qu’il faut sur la table et chacun a son lit. Modèle superposé pour tous. Le jeune Sadiq y dormira jusqu’à ses 24 ans. Une famille soudée, une vie besogneuse rythmée par la prière 5 fois par jour…
Sadiq n’a rien d’un tortionnaire. Un prénom musulman classique qui désigne, en arabe, celui qui est honnête. Un garçon gentil, serviable, plutôt doué pour les maths. Il est bon en biologie, pense, un moment, devenir dentiste, mais fera finalement du droit sur les conseils d’un professeur qui a remarqué son côté rhéteur/baratineur. Le petit « Paki », qui déteste qu’on l’appelle comme ça, et qui adore se frotter verbalement à ses camarades.
Entre deux cours, Sadik vend des journaux pour donner un coup de main à sa famille. Fraye avec un peu avec les canailles de sa cité, mais ne déraillera jamais et décrochera son diplôme d’avocat à 25 ans. Pendant 10 ans, Mister Khan sera un spécialiste des droits de l’homme, défendant avec autant de conviction les sans-papiers et les réfugiés que les femmes victimes de discrimination et d’injustice salariale.
Un féministe assumé qui jettera la robe en 2005 pour l’habit politique. Le Labour naturellement. Sadiq Khan prendra sa carte à 15 ans. A 35, ce petit bonhomme d’1m65, se fera élire député de Tooting, le quartier populaire de son enfance, où il vit toujours avec sa femme Saadiya et leurs deux filles, deux ados qui, comme leur maman, n’ont jamais porté de foulard autrement qu’autour du cou.
Sadiq va rapidement devenir l’une des jeunes stars du parti travailliste. Deux fois ministre dans le gouvernement de Gordon Brown. La baston politique et forcément les premières polémiques. L’un de ses anciens beaux-frères, tombé dans l’islamisme radical, ou encore sa proximité avec certains imams réputés fanatiques.
Sadiq restera impassible face aux attaques, se contentant de répondre à ses adversaires, qu’il avait toujours parlé avec tout le monde, qu’il vivait avec une fatwa sur la tête depuis son vote en faveur du mariage gay, et qu’il allait à la Mosquée, tout en faisant campagne pour sauver un pub menacé de destruction dans son quartier.
Le Coran compatible avec la bière, les homos et la liberté de penser. Le crédo de Sadiq a évidemment plu aux Londoniens, plus préoccupés, de toute manière, par la pollution et le prix exorbitant des loyers que par Mahomet.
Le petit « Paki » de Tooting devenu le maire de Londres, le musulman le plus influent d’Europe. Pour certains, le symbole d’un multiculturalisme heureux. Pour d’autres, le début d’une prophétie « Houellebecquienne ». Dans tous les cas, une success-story comme on les adore en Angleterre.