Marc Messier nous brosse ce dimanche le portrait de Jake LaMotta, cette légende de la boxe à l'origine d'une scène légendaire.
Une lumière blafarde. Des grumeaux rouges sur un sol crasseux. Le sang mêlé aux larmes et à la morve, 2 gamins torse-nus qui se cognent dur, dans une cave glauque, au milieu d’hommes gueulards, qui les insultent pour quelques dollars. L’odeur aigre de la sueur et de la gnôle. Un combat clandestin dans le Bronx, à l’aube des années 30, Jake LaMotta a 9 ans et le visage déjà cabossé. Un salopard de père sicilien qui l’oblige à boxer pour payer ses saouleries et le loyer quand il a encore de quoi. Les dérouillées, les rapines, les journées sans manger, l’enfer du rêve américain, la grande dépression, l’Amérique au fond du trou, les immigrés dans les bas-fonds de la ville, le New-York des Italiens, des Irlandais, des Grecs, des Polonais. Les taudis des quartiers nord, les rats partout, les putes édentées, les mafieux gominés, les relents d’urine, d’oignons et de poisson pourri, Une enfance de misère, couverte de poux et d’hématomes.
Jake est petit, râblé et très doué pour la baston. Il est costaud, il tape fort, et surtout il est doué d’une incroyable capacité à endurer les coups sans broncher. Un vrai punching ball. Le garçon peut vaciller, chanceler, tituber, finir en bouillie : il n’est jamais KO, jamais à terre. Non seulement, Jake encaisse tout mais il rend les châtaignes dans la foulée, une résistance et un ressort hors-du-commun, qui feront plus tard sa légende. A 15 ans, Jake LaMotta, est une petite terreur dans les rues du Bronx, Une réputation qui lui vaut le surnom de "Taureau ", The Bull en anglais. La Mafia le regarde du coin de l’œil mais reste à distance, Jake est un incroyable bagarreur, mais un voleur minable. Un petit voyou qui se fera souvent attraper, la maison de correction et la rencontre avec un curé boxeur qui deviendra son 1er entraineur.
Jake LaMotta fera encore quelques conneries avant de monter sur les rings, l’une le marquera jusqu’à la fin de ses jours : le tabassage d’un bookmaker, pour quelques dollars, un coup de sang, les coups de barres de fer : il laissera le book pour mort, près de sa caisse, la police ne remontera jamais jusqu’à lui. Des années, plus tard, lors d’un combat, un visage déjà vu parmi les spectateurs, Jake troublé : le book, balafré mais bien vivant, qui viendra le féliciter après sa victoire. LaMotta cogneur mais pas tueur, ses premiers combats pros, Motta indestructible, il conquerra les titres les uns après les autres, il a un truc pour gagner : la veille de ses matchs, il entame un coït avec sa femme ou une autre. Au moment où il est le plus excité, il va plonger son sexe dans une carafe de glaçons, colère, frustration, il n’a plus qu’à se défouler sur le ring le lendemain.
En 1941, Jake a 20 ans, 25 victoires à son palmarès, une épouse, une flopée de maitresses et un congélateur entier de glaçons à son actif. Il picole tout le temps, zigzague souvent, mais ne tombe jamais. Toujours debout, même à l’issue de son 1er match avec le plus grand boxeur de l’Histoire : Sugar Ray Robinson. Jake prend une leçon, sonné, vaincu, mais sur ses 2 pieds. Les 2 hommes se retrouveront souvent face à face, mais LaMottat ne l’emportera qu’une seule fois, en mai 43 à Detroit, au 8ème round, LaMotta envoie dans les cordes le plus grand boxeur de l'Histoire. Ce sera la seule et dernière fois que Jacke LaMotta, battra Sugar Ray Robinson. J’ai tellement combattu Sugar que c’est un miracle que je ne sois pas diabétique aujourd’hui, racontait-il en riant il y a quelques années
A la sortie de la guerre, il ne manque plus à LaMotta que le titre de champion du monde. Pour ça il va falloir qu’il obéisse aux mafieux de son enfance, qui tiennent le business de la boxe aux USA, ils lui proposent un deal : il se couche face à un petit outsider de l’Oklahoma et en contre part, il pourra combattre le tenant mondial des poids moyens, Marcel Cerdan le bombardier marocain. LaMottat se couchera, son honneur sous le tapis. Personne ne sera dupe, les parrains se frotteront les mains, Jake aura la honte de sa vie, la Mafia respectera le marché. Le 16 juin 1949, Marcel Cerdan, le Champion/Amant d’Edith Piaf débarque aux Etats-Unis et affronte en plein air, sous la pluie, le Taureau du Bronx plus enragé que jamais. Au 10ème Round le bombardier ne tient plus debout, Cerdan jette l’éponge. A 28 ans, Jake LaMotta est champion du Monde des poids moyens. Cerdan mourra dans un accident d’avion avant de pouvoir rendre sa revanche. Raging Bull couvert d’Or comme les héros Antiques. La splendeur, puis la décadence, la ruine, la came, la taule, avant la renaissance grâce à Scorsese, il était une fois Jake LaMotta, l’histoire extraordinaire d’un petit loqueteux du Bronx devenu l’un des plus magnifiques boxeurs de l’histoire.