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Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce mercredi, il s'intéresse aux images de la BRAV diffusées sur BFM TV et filmées de l’intérieur de la compagnie.

Tous les jours, Bruno Donnet observe la fabrique médiatique. Ce matin, il a choisi de revenir sur des images totalement inédites, hier après-midi, en plein cœur de la manifestation parisienne.

La séquence a duré très longtemps et elle a été diffusée, en direct, sur BFM-TV : « Décalez-vous ! »

À l’image, on découvre une importante compagnie de policiers de la BRAV, chargés du maintien de l’ordre dans les manifestations. Et la voix que l’on entend, et bien c’est celle de la commissaire qui dirige les opérations : « C’est reçu, on recule. Ok, on recule, on recule, on recule ! »

Elle s’appelle Léa, elle a 28 ans, c’est tout ce que l’on saura d’elle, et elle commande 108 policiers : « Go ! Allez, ça charge. Allez, allez, allez ! »

Et si on entend aussi distinctement sa voix, c’est parce que le ministère de l’intérieur a accepté que BFM-TV l’équipe d’un petit micro qu’elle porte en permanence sur elle : « À droite là, là, alignez-vous. Alignez-vous ! à droite. Ok, alignez-vous à droite là. A droite ! Ok. »

Le son est excellent. Et les images le sont aussi car elles sont filmées de l’intérieur de la compagnie. Au coude à coude avec les policiers.

Ils essuient des tirs nourris de projectiles, de la part de casseurs, de blacks blocs et l’on comprend, parfaitement bien, qu’ils n’ont pas la tâche facile : « Ok, halte ! Halte ! Halte ! Hey, lieutenant, attendez, attendez ; Lieutenant, l’idée c’est de pouvoir impacter le bloc, on se fait bouziller depuis tout à l’heure, ok ? »

Les images bougent un peu, le cadre est parfois assez approximatif et la séquence fait penser à une mêlée de rugby, dont on aurait réussi à filmer le cœur, pendant qu’on entend l’arbitre.

C’est extrêmement insolite, comme ce passage, au cours duquel la tension monte entre la commissaire de police et son lieutenant : « Ok lieutenant, lieutenant, lieutenant, vous rappelez votre unité là, vous la maintenez. Je l’ai cherchée partout ! Et bah vous les rappelez, un par un, vous les rappelez, vous les remettez en ordre, c’est vous le chef d’unité, bordel ! »

Cette séquence-là, c’est ce qu’on appelle une opération transparence.

Elle a bien sûr été validée, mais elle a surtout été voulue. Voulue et initiée par le ministère de l’intérieur qui a choisi, à dessein, de montrer une jeune femme qui dirige des hommes qui subissent les violences des manifestants.

Bien. Mais ce qu’il faut se demander Philippe, c’est pourquoi. Pourquoi le gouvernement a-t-il voulu montrer au grand public ces images-là ?

Pour le comprendre, il faut alors mettre cette séquence en regard d’autres images. Des images qu’ont captées, la semaine dernière, des journalistes qui étaient présents dans la manifestation parisienne ou encore ce week-end, à Sainte-Soline : « Tu dégages ! Dégages ! Arrêtez, arrêtez, doucement. Dégagez-vous. »

Car le comportement de la police est questionné ces jours-ci. Il est mis en cause par certains manifestant, qui lui reprochent des violences mais également par des journalistes qui ont été frappés, alors qu’ils faisaient tout simplement leur métier : « Ohhh ! Eh, c’est la presse, c’est la presse, c’est la presse ! C’est la presse, c’est la presse ! »

Ici, le journaliste Clément Lanot a filmé un policier en train d’écarter et de brutaliser un reporter. Là, un reporter a enregistré les images d’un CRS qui matraque un confrère : « Regardez ce que vous faites ! à mettre des coups de matraque sur les journalistes ! »

Car oui, loin de l’impeccable opération de transparence et de collaboration entre la police et la télévision, retransmise hier par BFM-TV, les journalistes sont souvent empêchés de travailler, lors des manifestations. L’association Reporters Sans Frontière a notamment recensé, jeudi dernier, cinq cas de journalistes qui ont été inquiétés par les forces de l’ordre et parfois même placés en garde à vue. Et jeudi dernier toujours, le pigiste Paul Boyer a terminé sa journée de travail avec un traumatisme crânien et une main fracturée : « Mais ça va pas ou quoi ? On est la presse ! Vous n’avez pas à nous frapper comme ça ! C’est quoi ces agressions gratuites-là ? »

Alors voilà, au moment où le journal Le Monde révèle que le SAMU a été empêché, ce week-end, par la gendarmerie, d’évacuer les blessés de Sainte-Soline, cette opération redorage de blason républicain, tombe très opportunément.

On dit donc bravo aux BRAV qui ont été courageux et impeccables, hier après-midi, devant la caméra de BFM-TV et on se prend à rêver que, désormais, au nom de cette transparence qu’il aime tant, le ministère de l’intérieur accepte, aussi, que n’importe quel journaliste, puisse filmer et à accompagner, n’importe quel membre des forces de l’ordre, pendant les manifestations.