Chaque jour, Didier François traite d’un sujet international.
Didier François revient ce lundi sur l’abandon du traité de désarmement des Forces nucléaires de portée intermédiaire ce week-end par les États-Unis et la Russie. C’est l’illustration de cette nouvelle course à la puissance militaire qui marque les relations internationales depuis l’apparition de nouveaux acteurs comme la Chine aux ambitions stratégiques très affirmées.
Le traité sur l’interdiction des armes nucléaires a été, en son temps, un geste extrêmement fort. Les plus anciens s’en souviendront, c’était le 8 décembre 1987. Deux immenses figures se retrouvent autour de la table de négociation, le président Ronald Reagan (chef du monde libre) et face à lui Mikhaïl Gorbatchev (le nouveau Premier secrétaire du Parti communiste d’Union soviétique) qui vient de lancer dans son pays d’incroyables réformes : la glasnost et la perestroïka. Et là, contre toute attente, les deux hommes vont signer un accord qui interdit et démantèle les missiles nucléaires de moyenne portée. C'est-à-dire toutes les fusées d’une portée de 500 à 5.500 kilomètres.
L’Amérique retire de la République fédérale d’Allemagne ses missiles Pershing qui avaient été déployés en riposte à la mise en batterie de SS-20 par le Soviétiques en République démocratique d’Allemagne. C’est la fin de 10 années d’un intense bras de fer militaire entre l’Est et l’Ouest, appelé la crise des Euromissiles. Ce traité a en fait symbolisé la fin de la guerre froide.
Son abandon aujourd’hui est donc un signe diplomatique à la fois fort et très inquiétant. D’autant que ni Washington ni Moscou n’entendent revenir à la guerre froide.
Pourquoi dès lors n’ont-ils pas simplement reconduit la validité du traité ?
Parce qu’ils font, l’un comme l’autre, exactement la même analyse. Ce traité de désarmement n’engage que la Russie et les États-Unis puisqu’ils en sont les seuls signataires. Or de nouveaux acteurs cherchent à se doter de capacités balistiques et nucléaires dans les portées intermédiaires. Et une puissance émergente particulièrement a fortement musclé son arsenal dans cette gamme d’armement, il s’agit de la Chine qui n’existait pas comme puissance mondiale lors de la signature de cet accord de désarmement mais qui est devenue un compétiteur particulièrement ambitieux et donc dangereux pour la Russie comme pour les États-Unis. D’où cet accord tacite de Washington et de Moscou pour sortir d’un traité qui les handicape face à la montée en gamme de Pékin.
Donald Trump a d’ailleurs prévenu qu’il n’envisagerait un retour à un traité de limitation des armes nucléaires intermédiaires qu’à condition que la Chine soit partie prenante de cet hypothétique nouvel accord.
En revanche, la course aux armements a bel et bien repris et sans attendre. Moscou a déjà commencé la modernisation de son arsenal balistique avec la mise en œuvre du 9M729, vecteur d’une portée estimée à 2.500 kilomètres, pouvant être armé de charges conventionnelles ou nucléaires. Washington a également annoncé son intention de tester rapidement un nouveau missile de moyenne portée pour rattraper son retard dans le domaine.