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Chaque matin, Vincent Hervouët nous livre son regard sur l'actualité internationale. Ce mardi, il revient sur les assauts militaires russes à Kiev, au 26e jour de la guerre.

Au 26e jour en Ukraine, la guerre est entrée dans Kiev.

L’explosion a dévasté l’immense centre commercial au nord-ouest de Kiev, il était flambant neuf si on ose dire. Il s’appelle Rétro-ville, ce qui est une autre mauvaise plaisanterie tant les Ukrainiens redoutent d’être renvoyés à leur passé soviétique. Les caméras de surveillance vidéo ont enregistré une boule de feu qui pulvérise l’objectif. À côté, il ne reste qu’une carcasse en béton. À des kilomètres alentour, le souffle a fait tomber les vitres et déboité les portes. L’onde de choc a été perçu dans toute la capitale. C’était fait pour. Le tir de missile a fait six morts, des hommes en armes qui bivouaquaient dans ce faubourg où l’armée ukrainienne installe souvent son artillerie. Les Russes affirment qu’ils ont frappé "avec une arme de précision à longue portée" une batterie de lance-roquettes multiples, ce qu’ils appelaient autrefois les orgues de Staline. Autrement dit, un marteau-pilon pour écraser une mouche. Kiev avait déjà essuyé des bombardements. Selon le décompte du maire, ils ont fait 65 morts. Mais là, les Russes ont frappé un grand coup. Comme au théâtre. Les militaires parlent de gesticulation. Une démonstration de puissance.

Est-ce que cela annonce un assaut contre la capitale ?

Non, au contraire. L’armée russe est en train de s’enterrer au nord de Kiev. Le génie fortifie ses positions d’artillerie. Des champs de mines ont été installés pour les protéger. Comme s’ils se préparaient à un long siège. Dans toute l’Ukraine, après bientôt quatre semaines de combats, les Russes n’occupent qu’une seule ville, Kherson. Une ville de 200 000 habitants à la porte de la Crimée, la première qui soit tombée et la seule... Elle n’est toujours pas soumise. Les habitants qui sont restés ont manifesté lundi encore contre l’occupant. Pour les disperser, les militaires ont ouvert le feu à l’arme automatique et en tirant aussi des grenades assourdissantes. C’est le même genre de courage qu’oppose le maire de Marioupol refusant de capituler, alors que sa ville est à moitié détruite. Une obstination digne de la Légion étrangère à Cameron, sauf que ce sont des civils, des femmes, des enfants, des vieillards, les plus pauvres, ceux qui n’ont pas pu s’enfuir qui se retrouvent piégés. Les Ukrainiens résistent. Les Russes ne reculent pas.

Ils utilisent des armes de plus en plus puissantes, notamment ces missiles hypersoniques.

On n’a pas pris ces armes au sérieux il y a trois ans, quand Vladimir Poutine plein de superbe a présenté toute la panoplie avec un petit film d’animation très basique. Entre le discours et l’image, il y avait un décalage. Aujourd’hui, le décalage, c’est entre la puissance de ces missiles qui sont pratiquement invulnérables, qui peuvent atteindre mach 12, porter une charge nucléaire et les cibles qu’ils visent. Passe encore la semaine dernière, ils ont frappé un centre d’entrainement où étaient stockées les armes fournies par les Occidentaux, à la frontière polonaise. On pouvait y voir un message induit : nous avons les moyens de nous opposer à ces livraisons d’armes. Mais vendredi, c’est un missile Kinjal tiré par avion qui aurait soufflé un dépôt de munition dans l’ouest. Et dimanche un missile Kalibr tiré d’un bâtiment en mer noire contre une base près d’Odessa. Des missiles hypersoniques, comme si Vladimir Poutine avait besoin d’étaler sa force. Le bluff d’un joueur de poker, le contraire d’un joueur d’échecs. Lui qui se réfère sans cesse aux nazis devrait se souvenir qu’ils ont été les premiers à utiliser des missiles, les V2 et qu’ils ont quand même perdu la guerre.