Chaque matin, Vincent Hervouet nous livre son regard sur l'actualité internationale. Ce lundi, au lendemain de l'expulsion de Novak Djokovic d'Asutralie, il s'intéresse à la politique sanitaire du pays à six mois de son élection.
L’expulsion de Novac Djokovic révolte les Serbes mais elle est cohérente avec la façon dont les Australiens traitent les questions d’immigration.
Les dirigeants serbes débordent de mépris et de colère envers Scott Morisson, on se croirait à Paris, il y a trois mois quand nos sous-marins ont fait plouf et que l’Élysée s’est vu trahi. La différence, c’est que le Président Vucic vocifère alors qu’Emmanuel Macron affichait une colère froide. On peut mettre cela sur le compte du tempérament balkanique ou bien, sur la proximité des élections.
Dans deux mois et demi, les Serbes voteront pour choisir leur président et leurs députés. Si Djokovic se présentait, il obtiendrait un plébiscite. Le champion est un héros, un exemple, un saint, il est prophète en son pays. Suggérer qu’il aurait mieux fait de se faire vacciner avant de gagner Melbourne serait un suicide politique. Donc Alexandre Vucic le soutient, à fond.
En Australie, c’est pareil et c’est le contraire. Les élections sont en juin. Le gouvernement de Scott Morrisson est en réanimation, totalement débordé par la vague Omicron. 71% des Australiens étaient favorables à l’expulsion de Novac Djokovic. Le pouvoir n’a pas hésité longtemps.
C’est le ministre de l’Immigration, Alex Hawke qui a décidé vendredi d’annuler le visa du joueur.
Car il y a un ministre de l’Immigration. Qui est tout puissant au sein du gouvernement. En tout cas, son pouvoir discrétionnaire dépasse et de loin celui de ses collègues. Il est le ministre de la raison d’État. Elle est aveugle. C’est ainsi qu’il a justifié sa décision. Selon lui, la présence du champion était "de nature à entretenir le sentiment anti-vaccination de la population" et faisait "courir le risque d’une recrudescence des troubles civils".
On peut s’étonner de cette prudence dans un pays où 92% des plus de seize ans sont vaccinés. Mais il s’agit de faire un exemple. Que personne ne doute de la détermination de l’État.
C’est exactement le même type de raisonnement qui est appliqué aux migrants.
L’Australie est un pays peuplé d’immigrants qui ne laisse plus aucun migrant entrer.
Une île à laquelle aucun boat-people n’accoste. Ceux qui ne sont pas arraisonnés en mer et renvoyés vers les ports Indonésiens, sont transférés dans les iles de l’Amirauté, en Papouasie Nouvelle Guinée. Autrement dit, envoyés au diable. Ils peuvent pourrir sur pied pendant des années dans les centres de rétention off-shore. L’opération "Frontières souveraines" a été relancée en 2013. Certains migrants croupissent depuis huit ans dans la chaleur suffocante de la forêt tropicale où on les oublie. Un millier d’étrangers ont été ainsi abandonnés aux limbes dans des conditions qui feraient honte même à l’administration pénitentiaire en France, c’est dire.
Parmi eux, il y en a qui relèvent de l’asile politique et qui finissent par l’obtenir. Ils peuvent alors rester sur place, dans l’ile de Manus ou dans le micro-état de Nauru, Camberra finance le programme de réinstallation régionale dans son ancienne colonie de Papouasie mais il leur interdit de rallier l’Australie, même s’ils remplissent tous les critères requis.
Cette politique implacable suscite l’effroi des nations Unies, elle a été condamnée par les Églises, par les ONG, par tous les défenseurs des Droits de l’Homme. Le gouvernement australien reste impavide. Il répond que sa détermination a sauvé des vies en dissuadant les migrants de s’embarquer et de se noyer. La fin justifie les moyens.
C’est le même genre de fermeté qui a prévalu face à l’épidémie, le pays ayant claquemuré ses frontières pour se protéger du virus.
Contrairement à ce que Novac Djokovic devait penser, l’Australie n’est pas très Open.