Chaque jour, Didier François traite d’un sujet international.
Didier François revient sur ce communiqué de victoire militaire, à priori anodin, publié ce lundi par l’agence officielle de Damas. Il nous rappelle que la guerre est loin d’être terminée en Syrie où les combats se poursuivent dans tout le nord du pays.
Cette bataille qui vient de se conclure est finalement très représentative de la façon dont se déroule ce conflit. Elle aura duré presque deux mois, avant que les forces du régime ne parviennent à reprendre aux djihadistes le contrôle de deux bourgades à peine mentionnées sur les cartes (Tal Melah et al-Jibine). Deux minuscules localités, perchées sur leurs collines, mais qui qui avaient été fortifiées pour devenir de véritables verrous défendant l’accès au gouvernorat d’Idlib, la dernière grande poche territoriale tenue par les rebelles dominés par les islamistes. Ce qui explique l’âpreté de ces combats, l’importance des moyens engagés par les deux camps ainsi que leur détermination à vaincre.
Offensives et contre-offensive se sont enchainées depuis le 6 juin, en une série d’escarmouches particulièrement intenses qui auraient fait plusieurs centaines de morts tant dans les rangs loyalistes que chez les miliciens des divers groupes armés.
Les forces gouvernementales finissant par remporter ce long bras de fer grâce à l’appui massif de l’aviation russe, lourdement engagée dans cette opération.
Mais pourquoi un tel acharnement autour de ces villages alors que le régime de Bashar al-Assad a désormais reconquis toute la Syrie utile ?
Après la reprise de Homs en 2014 puis celle d’Alep en 2016 et de la Ghouta dans la banlieue de Damas en 2018, le gouvernement syrien contrôle désormais l’essentiel du pays et a (de fait) gagné cette guerre, déclenchée il y a huit ans en 2011.
Mais Damas ne peut pas tolérer durablement l’existence d’une poche de rébellion armée dans le nord du pays sur la frontière turque. Or c’est bien ce qu’est devenu le gouvernorat d’Idlib, où ont été systématiquement évacués les combattants des lambeaux des milices défaites lors des batailles précédentes, ainsi que leurs familles.
Ces réfugiés très militarisés sont venus grossir une population locale déjà totalement acquise à la rébellion, créant un point de fixation et une base arrière vitale pour les islamistes. D’où cette volonté du régime et de la Russie de détruire désormais cet ultime réduit.
Mais tous les islamistes d’Idlib ne sont pas djihadistes ?
Non, effectivement. Il y a dans cette région des groupes rebelles de différentes obédiences, dont les milices pro-turques essentiellement regroupées près de la frontière d’ailleurs dans une zone démilitarisée mise en place avec l’accord de la Turquie et de la Russie.
Mais un puissant front de mouvements djihadistes constitué autour du Hayat Tahir al-Cham (la branche locale d’Al Qaida) a balayé les rebelles nationalistes lors d’une offensive surprise en janvier dernier, faisant voler en éclat la trêve fragile issue du compromis négocié entre Moscou et Ankara.
On assiste donc depuis maintenant six mois à une véritable guerre d’usure, menée par le régime et ses alliés sur les pourtours d’Idlib pour grignoter les défenses périphériques des groupes armés qui, sans voie de retraite et face au danger, se sont unifiés malgré leurs divergences, sous la houlette des djihadistes qui se battent avec l’énergie du désespoir dos au mur.
Cette campagne sera donc longue et particulièrement meurtrière.