Après 100 jours à la Maison Blanche, l'Amérique va toujours aussi mal et pourtant, elle redouble de confiance vis-à-vis de Barack Obama, comme s'il était la dernière chance pour l'hyperpuissance... Dans quel monde vit-on Pierre-Marie Christin ?
Oui. Cent jours. C'est assez pour jauger, c'est trop peu pour juger. Seul Napoléon -Villepin vous le dirait- a réussi l'exploit de tout regagner et tout perdre en trois mois. Ca doit d'ailleurs nous incliner à nous méfier des génies. Barack Obama n'en est sans doute pas un mais il est diablement intelligent ! Même en faisant usage d'une dose raisonnable de mauvaise foi, il est très difficile de trouver dans ces 100 jours, l'ombre qui donnerait de l'épaisseur au tableau... et c'est peut-être un peu le problème.
Il y a en tous cas chez Obama une parfaite alchimie de modestie et de confiance en soi dont le plus bel exemple restera sans doute ce simple commentaire lorsqu'il a dû retirer la candidature d'un ministre. Pour ce pas de côté, il a simplement dit "I screwed up" ("j'ai foiré"), et on n'en a plus parlé.
Après les mensonges de Bush, c'est ce qu'il est plus ce que ce qu'il fait qui compte, et c'est sans doute ce qui lui vaut une approbation record en 20 ans de sondages.
Pourtant la crise s'est aggravée et de l'Afghanistan à la Corée, la situation internationale est bien pire qu'il y a trois mois.
Un site du St. Petersburg Times fait le compte de 500 promesses. 27 auraient été tenues, 61 seraient en cours de réalisation (c'est pas mal, 1/5 en trois mois). La maison blanche est en sur-régime permanent mais, vous avez raison. Rien de tout cela n'a changé la vie quotidienne de millions d'Américains. Ces trois mois lui ont servi à découvrir le cadre extraordinairement étroit de son objectif : concilier l'efficacité et la morale, réconcilier Wall Street et Main street. Déjà on lui reproche de vouloir juste rafistoler le système pour que tout paraisse comme avant, d'autres voient en lui un bolchévique et des Texans vont même jusqu'à vouloir faire sécession.
Et au fond, vers quoi va Barack Obama ?
C'est la bonne question. Il est pragmatique, parfois jusqu'au compromis et, comme aurait pu dire De Gaulle "Il y a-t-il un Aristote derrière cet Alexandre ?". Du côté de l'Elysée, on rappelle, avec un peu d'agacement qu'il ne faut pas se faire d'illusions et qu'il défendra avant tout les intérêts de l'Amérique. Certes, mais quel gouvernement fait autrement ? Ce qui compte, c'est de savoir quelle idée il se fait de son pays. Le paradoxe, c'est peut être que ce président, probablement le plus ignorant qu'il y ait jamais eu de l'Europe, semble rebâtir un pays qui nous ressemble : diplomatie du dialogue, puissance d'influence, une sécurité sociale pour tous, une conversion à la défense de l'environnement qui était l'apanage européen, bref, une nation faite de toutes les nations mais qui vaut un peu plus que chacune d'elles... Il serait quand même étonnant que l'Amérique se mette à ressembler à l'Europe quand l'Europe se met à ne plus ressembler à rien du tout.