"Prisonnier de l'Etat: le Journal secret du Premier ministre Zhao Zhiang"
Et il y a 20 ans, des centaines et peut-être même des milliers d’étudiants étaient massacrés sur la place Tiananmen. Aujourd’hui, un document absolument exceptionnel raconte de l’intérieur cette tragédie. Les mémoires posthumes de Zhao Ziyang, l’ancien n°1 du Parti communiste chinois. Dans quel monde on vit Pierre-Marie Christin ?
Bonjour Marc-Olivier. Oui, on peut même se demander aujourd’hui dans quel monde on vivrait si Zhao Ziyang avait gagné. La Chine aurait-elle vécu sa révolution de velours ? Je vous redonne le contexte. 19 mai 1989 : Une scène absolument inimaginable se déroule sur la place Tien An Men, où les étudiants manifestent nuit et jour depuis plus d’un mois et le monde entier regarde ce défi incroyable d’autant plus que le pouvoir chinois a l’air désarmé, absent et ce jour-là, il est là. C’est Zhao, c’est le n°1 et il est en larmes parmi les étudiants. Il leur dit "Cessez ce mouvement, cessez vos grèves de la faim et nous pourrons discuter parce-que vous avez raison pour beaucoup de choses". Il sait lui que c’est leur dernière chance. Certains pensent à accepter, les débats se déroulent sur la place mais ils n’auront pas décidé parce qu’en rentrant au parti juste après ça, Zhao se retrouve seul. Il est trahi, il est arrêté, il est comme effacé, on ne le verra plus jamais. Le lendemain la loi martiale est proclamée. Dans la nuit du 3 juin, les chars vident la place. Vingt ans après le massacre, cinq ans après la mort de Zhao, ses mémoires secrètes racontent son combat et sa défaite.
Mais ce récit sort-il aujourd’hui Pierre-Marie ?
Alors Zhao n’était pas en prison quand même. Il était assigné à résidence, très surveillé et dans la nuit du 3 juin d’ailleurs, il a compris ce qu’il se passait en entendant les tirs au loin, c’est tout. On ne lui a rien dit. Mais peu avant sa mort, il a réussi à faire entrer un vieux magnétophone et a enregistré sa version des faits sur des cassettes de chansons populaires qui vont être exfiltrées peu à peu grâce aux quelques visiteurs qui commencent à avoir le droit d’arriver. Elles sont cachées pendant des années en Chine puis elles finissent par sortir, par arriver aux Etats-Unis où elles deviennent ce livre, qui va paraître lundi "Prisonnier d’Etat, mémoires secrètes". Et le New York Times hier, en publiait des extraits.
Et on y apprend quoi ?
Alors on est à l’intérieur du parti le plus puissant de la Terre. On n’a jamais vu ou lu ça et ce parti hésite. Le vieux mentor Deng, qui a commencé à libérer l’économie, se tait. Il y a même des observatoires en Occident qui pensent qu’il est mort. Zhao, lui, veut poursuivre l’ouverture et surtout éviter le carnage parce que les anciens exigent qu’on punisse la racaille qu’on l’écrase. Li Peng, c’est le 3ème homme, va trahir Zhao. Il est premier ministre et il veut tout le pouvoir, et il va l’avoir. Il convint le vieux Deng. Le massacre va fixer le destin des Chinois jusqu’à aujourd’hui et ce massacre va déterminer la politique "enrichissez-vous mais taisez-vous". Dans ses mémoires Zhao dit que "la prospérité ne durera pas sans démocratie, sans droits sociaux" et ce qu’il aurait fait, mystère, mais vingt ans après la crise repose la même question au pouvoir chinois.
La phrase du jour de Deng : "Quand on ouvre les portes, des mouches entrent forcément." Il les a écrasées.