D’abord prudents, les Occidentaux expriment désormais ouvertement leur inquiétude mais semblent un peu désarmés. Alors dans quel monde on vit Pierre-Marie Christin ?
Oui. Lundi tous les pays occidentaux semblaient se résigner à cette victoire d’Ahmadinejad et puis, il est devenu très vite impossible d’ignorer le plus puissant mouvement populaire en Iran depuis la révolution de 1979. Maintenant, plus personne ne doute de la fraude mais personne ne sait non plus très bien quoi faire. Il ne faut surtout pas donner à Ahmadinejad l’occasion de dénoncer un complot de l’Occident. Il a d’ailleurs commencé. Ca lui donnerait le prétexte à une répression encore plus violente. Vous savez le massacre de Tien Anmen et les sanctions inutiles contre la Chine hantent la mémoire de tous les diplomates. Et puis vous aurez remarqué aussi que personne en Iran n’appelle à l’aide étrangère. Enfin Ahmadinejad est assez malin. Hier il était en Russie pour un sommet asiatique. Il a été chaleureusement accueilli et félicité par Russes et les Chinois.
Est-ce que Pierre-Marie, un nouveau décompte peut être la solution ?
Il y a très peu de chance. Le système est fait pour rendre la triche à peu près impossible à repérer. On vote où l’on veut avec un simple duplicata d’extrait de naissance. Et puis il y a 15 à 20% des Iraniens qui sont illettrés. Or il faut écrire le nom du candidat et on a le droit, quand on ne sait pas, de se faire aider. Cela fait des faux-vrais bulletins. En fait, il faudrait – hypothèse improbable – que le pouvoir décide de tricher dans l’autre sens. Le guide Khamenei a accepté cette vérification plutôt pour gagner du temps.
Est-ce qu’on a une idée de la façon dont tout ça peut évoluer ?
Et bien il faut être modeste parce que tout ça nous surprend beaucoup. Ce qu’il ne faut pas oublier c’est que nous sommes dans une république islamique. Personne ne veut changer cela. Mais ce qui est vraiment très important c’est de voir que deux principes contradictoires et fondateurs depuis 30 ans sont entrés en conflit : la démocratie et la religion. Dans ce système bizarre, chacun légitime l’autre. Khamenei le guide est en principe l’arbitre mais il a rompu cet équilibre en penchant pour Ahmadinejad qui incarne ce que le chercheur américain Wurmser appelle "un fascisme théocratique". Ses alliés sont d’anciens combattants de la guerre contre l’Irak et les plus pauvres, ils se prennent tous pour l’avant-garde de la révolution. En face est apparue une nouvelle classe moyenne qui est née depuis la révolution. Il y a dedans des religieux, il y a toute la société la plus dynamique qui se veut plus autonome avec un Iran plus consolidé. La question sans réponse ce matin : est-ce que ces deux forces peuvent trouver un compromis ? Ce qui est sûr c’est que toute intervention occidentale peut aggraver les choses. Le plus pragmatique c’est encore Obama qui disait hier soir : "Vous savez Moussavi ou Ahmadinejad, ce n’est pas très différent". C’est faux. Ca l’est pour les Iraniens mais pas pour ce qui l’intéresse…le nucléaire et le pétrole.
Phrase du Jour :
"Je préfère une injustice à un désordre". Goethe