Et c’est une journée de fête en Irak. Les Américains rentrent dans leurs casernes. Désormais l’armée irakienne est seule pour assurer la sécurité mais en est-elle capable ? Les attentats ont fait 200 morts en quelques jours. C’est en tout cas le premier test pour Barack Obama qui a promis le retrait total pour 2010. Dans quel monde on vit ?
A la manière fleurie des Orientaux, l’un des proches du premier ministre Maleki présente les choses comme ça : les Américains sont dans la lampe, comme le génie. On sait qu’ils peuvent revenir quand on veut. En tout cas le pays célèbre ce jour comme une fête - c’est férié – avec le sentiment après 6 ans de guerre d’être enfin chez eux. Et même ceux qui haïssaient Saddam Hussein voient dans cette présence étrangère qui était brutale, massive, comme une humiliation permanente. C’est une humiliation d’ailleurs qui n’est pas seulement morale. Elle est quotidienne, physique et mortelle. En mai 2007, quand il y a eu la nouvelle politique avec le "Surge" et l’envoi de renfort : pour 126 morts américains, il y avait près de 3.000 victimes civiles irakiennes. Alors aujourd’hui, cet envoi de renfort puis le recrutement contre dollars des milices rivales a vraiment fait baisser la tension et la violence mais la reconstruction attend toujours. On a dépensé seulement 20 fois moins pour la reconstruction que pour la guerre. Pour rebâtir, on ne fait pas grand-chose et le pays est épuisé et terrifié.
Et depuis quelques jours les attentats ont repris…
Et oui. Le paradoxe c’est que c’est un peu la rançon de la réussite de la nouvelle politique parce qu’Al-Qaïda est vraiment sur la défensive. Du coup, comme l’ennemi est moins violent, la perspective de retrait américain ravive toutes les rivalités. Il faut savoir que l’Irak n’est indépendant que depuis les années 30. Avant, ce n’était pas un Etat. Ca a toujours été occupé depuis plus de 800 ans. Ce sont des régions juxtaposées, des religions juxtaposées, des Kurdes contre des Arabes, des Shiites majoritaires contre des Sunnites. La terreur unit le pays, la paix, l’apaisement pourrait le diviser parce que chacun va tester la résistance de l’Etat qui est sous perfusion américaine quand même et la force du voisin. La région la plus dangereuse et qu’il va falloir surveiller, c’est le Kurdistan. Là il y a des Kurdes, des Chrétiens, des Turkmènes, des Arabes et il y a surtout du pétrole. 20 % des réserves du pays. C’est là que l’Irak peut éclater. La Turquie ne le tolèrera évidemment pas car elle est à côté. Personne ne sait non plus ce que la nouvelle donne en Iran peut changer pour la majorité chiite qui était restée calme mais qui a des armées très puissantes.
Et Obama a promis un retrait total en 2010. Ca n’a pas l’air évident manifestement ?
Et bien non car on le voit mal se retirer au milieu de chaos comme les Soviétiques l’avaient fait en Afghanistan, ce qui avait fait le lit des talibans et d’Al-Qaïda. Mais ce qui est vrai aussi est que la réussite de cette transition est cruciale, elle est au cœur du problème d’Obama. Un semblant de démocratie et une région à peu près stabilisée donnerait enfin un peu de sens à cette guerre qui avait été justifiée par d’énormes mensonges, menée par la torture, des bombardements aveugles. C’est un enjeu moral, politique mais aussi stratégique. Il se trouve comme par hasard que c’est aussi que les grandes compagnies pétrolières proposent leur candidature pour relancer l’exploitation. Avec le drame palestinien c’est en Irak qu’on va voir si les intentions et les moyens d’Obama sont à la hauteur.
Phrase du jour :
Leçon de cynisme d’un colonel américain : "avec une bonne dose de peur et de violence, et l’argent du pétrole, je pense qu’on va réussir à convaincre ces gens-là qu’on est là pour les aider". Ce n’est pas encore réussi.