Marc-Olivier Fogiel : Les Russes et les Américains relancent le grand marchandage nucléaire. Lundi, Barack Obama sera à Moscou avec l’ambition de réduire massivement les arsenaux. "Nous sommes prêts à mettre fin à la nouvelle guerre froide", a déclaré son homologue Dimitri Medvedev. Dans quel monde vit-on Pierre-Marie Christin ?
Alors évidement, en employant le terme "guerre froide", Medvedev exagère un petit peu. On n’en est pas là. Certes les relations sont mauvaises, et on va voir pourquoi, mais la référence de Medvedev sert surtout à réveiller le souvenir de la puissance soviétique évanouie au moment précis où les Etats-Unis lancent, en Afghanistan, une offensive qui rappelle furieusement les grandes batailles du Vietnam. Medvedev rappelle donc habilement ce qui est vraiment son but : redonner à la Russie son statut de joueur mondial, et le nucléaire est le seul domaine qui le lui permette.
Marc-Olivier Fogiel : Alors, sans aller jusqu’à la guerre froide, c’est vrai que les relations sont mauvaises, très mauvaises même.
Oui, elles sont très mauvaises depuis plusieurs années et encore plus depuis qu’Obama est là. Le contentieux est lourd, et derrière les sourires, ça va être très difficile. Comme disait Roosevelt : « Les caresses n’ont jamais transformé un tigre en chaton ». Moscou n’est d’ailleurs pas en mauvaise position puisque les Russes ont obtenu tout ce qu’ils voulaient. Par exemple, en Géorgie, l’Aprasie et l’Ossétie ont été, de fait, annexées. Washington a aussi compris, semble-t-il, que l’extension indéfinie de l’OTAN était une agression et une humiliation dangereuse pour Moscou, et à Kiev, la lutte politique absurde et la ruine financière ridiculisent les prétentions de l’Ukraine à s’émanciper. Moscou tient aussi toute l’Europe centrale à la gorge avec son gaz. Hier, Bruxelles a conseillé de se préparer à une nouvelle crise cet hiver. Bref, diplomatiquement, c’est plutôt une bonne année pour la Russie.
Marc-Olivier Fogiel : Quel est l’avantage pour Barack Obama ?
En décembre, l’accord historique "Start" de réduction des arsenaux nucléaires, qui avait vraiment été un changement - la vraie fin de la guerre froide - va être caduc. Ca pourrait être le signal d’une prolifération générale si les deux pays, qui ont accumulé à eux deux 90 % des armes, ne font rien. Comment voulez-vous que l’on fasse pression sur l’Iran ou la Corée ? Mais le président américain a quand même une carte maîtresse : le bouclier anti-missile qu’il veut faire installer en Tchéquie et en Pologne. Pour les Russes, c’est une catastrophe, la fin de la dissuasion et de l’équilibre, et, encore une fois, une humiliation. Puis, ils seraient dépassés dans cette course aux armements, or ils n’ont pas les moyens de cette nouvelle course. Souvenir pour souvenir, Medvedev sait aussi que ce qui a précipité la chute de l’URSS, c’était la relance de la course aux armements. Bref, c’est une assez belle partie d’échec qui commence.
La phrase du jour : "Je ne sais pas ce que sera la troisième guerre mondiale, mais je suis sûr que la quatrième, si on continue comme ça, se résoudra avec des bâtons et des silex". Einstein