C.C : On parle de l'Iran, ce matin... Ali Khamenei, le guide suprême de la révolution a prononcé un discours très dur vendredi. Il a apporté son soutien au président Ahmadinejad et il a menacé les manifestants d'une répression très sévère. Malgré cette mise en garde, la contestation a continué.
C.N : En effet, hier il y a eu des manifestations dans toutes les grandes villes d’Iran. Ce n’était pas certes pas les grandes foules de ces derniers jours car la police empêchait les gros rassemblements mais il y avait des manifestations éparpillées dans tous les quartiers. Ça faisait beaucoup de monde, ce qui était très courageux vu que tous ces gens ont été durement molestés par la police anti-émeute. En tous cas, le mouvement s’est radicalisé et on l’a vu dans les mots d’ordre, il y a quelques jours, c’était : « Rendez-vous notre vote », hier, c’était : « Mort au dictateur ».
C.C : Hier soir, Mirhossein Moussavi a demandé l'annulation du scrutin. Il a aussi accusé Ali Khamenei de menacer le caractère républicain du régime. Est-ce que c'est un encouragement lancé à ses partisans pour continuer le combat ?
C.N : Ça y ressemble. Et comme il a attendu 26 heures avant de s’exprimer, ses partisans craignaient au contraire que cet homme qui est du sérail, fils de la Révolution, ancien premier ministre zélé ne rentre dans le rang. Et bien apparemment non, et sans doute Moussavi se sent poussé par une vague bien plus puissante que lui.
C.C : Et ce, alors que le guide suprême veut tout faire pour que l'ordre règne en Iran.
C.N : Oui mais c’est peut-être un ordre précaire. Vous le savez, le guide de la Révolution, représentant de Dieu sur terre, est carrément entré dans la mêlée politique, en prenant fait et cause pour Ahmadinejad dont les options politiques sont « le plus proche de moi » a-t-il dit. Mais c’est aussi un homme élu grâce à la fraude donc le guide légitime un coup d’Etat, ce qui est une forfaiture et qui est très grave pour le régime.
C.C : Est-ce que cette fraude c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase ?
C.N : Depuis 30 ans, la République islamique respectait une apparence d’équilibre entre un décorum démocratique et une théocratie plus ou moins bien acceptée. Mais au moins il y avait des élections même si tous les candidats étaient avalisés par le guide suprême. Elections qui ont donné des surprises avec la victoire du réformateur Kkatami en 97, un homme dont tous les projets ont été bloqué par le guide Khamenei. Les lois qu’il faisait voter au Parlement étaient toutes annulées au conseil des gardiens de la Révolution. Ensuite, Ahmadinejad est arrivé, il vient d’être réélu et le guide est toujours le seul maître après Dieu.
C.C : La population est à bout ?
C.N : Au départ, les manifestants réclamaient juste qu’on respecte leur vote. Mais dés lors que le guide a répondu : « votre vote, je m’en moque, seul ma voix compte ». Et bien là, c’est le ras-le-bol de toute une société montante. Les jeunes qui sont déprimés par l’absence de liberté, les femmes, les minorités diverses qui ne supportent plus cette chape de plomb et dont la seule arme justement est de faire masse dans les rues. Alors est-ce le déclic d’un mouvement révolutionnaire, ça, qui peut le dire ?