M.O.F : Du remaniement, hier, avant le Conseil, les ministres ont évité d'en parler entre eux... Mais à l'évidence, ils y pensaient tous... La surprise, c'est qu'il n'y a pas eu de surprise !
C.N : Surprise ? Nada ! Ça été un Conseil pareil aux autres. A ce détail près qu'il avait été déplacé d'une heure, en raison du retour nocturne du Gabon du Président, pour cause de funérailles. Du remaniement, le Président n'y a fait aucune allusion. Pas même quand Rachida Dati a pris la parole au sujet d'une nomination. L'occasion de lui faire ses adieux. Non. Rien. Peut-être même que mercredi prochain, Michel Barnier et Rachida Dati participeront encore au Conseil des ministres. Une chose est sûre : ils ne seront plus là le 14 juillet... Date de rentrée du Parlement européen. Jour de fête nationale française mais vu qu'il y a vingt-sept pays, l'Europe n'en tient pas compte. Mais il y a un mois, devant des journalistes, le Président laissait entendre que huit à dix têtes pourraient changer.
M.O.F : Et cela, il ne le dit plus ?
C.N : Ce qui intrigue le plus, c'est qu'il ne dit rien. Et à personne. Aucun ministre n'est dans la confidence. Alors, certains se perdent en conjectures. Soit, disent-ils, c'est parce que le réajustement sera minimum. Pourquoi changer au fond ? Le gouvernement n'a pas été sanctionné par les urnes ; la France n'est pas sortie de la crise ; le Président n'est pas encore à mi-mandat ; il a les mains libres. On sait qu'il a quelques ministres dans le nez : Rama Yade, qui a refusé le combat européen et qui s'est fait tacler au Conseil précédent. "Elle aurait été une star là-bas", a-t-il dit. Soit, parce qu'il n'a pas vraiment tranché. Il y a un problème de ressources humaines. Dans le vivier parlementaire UMP, il y a certes quelques potentialités prometteuses mais pas de poids lourds pour occuper les fonctions régaliennes. A l'époque Chirac, il y avait des Balladur, des Pasqua, des Juppé, des Séguin... Et leurs écuries : balladurienne, pasquaiste, juppéiste... Mais avec l'avènement de Nicolas Sarkozy, cette génération appartient au passé et si l'on regarde du côté des quadras ambitieux : Jean-François Copé, Xavier Bertrand (pour ne citer qu'eux) ils sont pourvus en poste. Et puis, en plus, c'est difficile de se frayer un chemin avec un Président toujours à l'offensive et qui occupe tout l'espace politique. L'UMP, c'est le contraire du P.S... Où il y a des capitaines, des lieutenants mais toujours pas de général en vue...
M.O.F : D'où l'idée de poursuivre l'ouverture. Le discours de Nicolas Sarkozy à Genève, devant l'Organisation Internationale du Travail, a été interprété comme un discours de gauche...
C.N : Ce qu'il a d'ailleurs récusé en Conseil... Non... C'est son sillon à lui... Reconstruire un système financier, qui finance plus les entrepreneurs que les spéculateurs, il en a parlé pendant sa campagne... A l'ONU, en septembre 2007, devant les américains qui l'écoutaient poliment... Cause toujours... Il faut dire qu'on était avant la crise... Et pareil pour le R.S.A, mis en place par Martin Hirsch... Pardon, Martin, c'est pas une mesure de gauche puisqu'on remet les gens au travail... C'est le contraire de l'assistanat ! L'ouverture, il la veut... Par conviction et par nécessité... Mais pas de gros poisson socialiste en vue... Peut-être un radical de gauche...
M.O.F : Et Claude Allègre ?
C.N : Son arrivée, qui semblait certaine, est de moins en moins sûre... Because les polémiques... D'ailleurs, cela agace tellement Nicolas Sarkozy que personne n'ose plus lui en parler.
M. O.F : Donc, on ne sait rien ?
C.N : Depuis quelques semaines, l'entourage, les ministres, découvrent un Président secret, impénétrable... Il ne se livre plus... Dans l'avion, il parle volontiers de ses lectures, des films qu'il a vus avec Carla... Il ne réunit plus le G.7, qui donnait lieu à un chapelet de petites phrases dans les médias... Il se "mitterrandise", dit un ministre. A moins qu'il n'est fait sienne cette maxime, tirée des "Discours de guerre" du général de Gaulle : "Rien ne rehausse plus l'autorité que le silence"...