- Bonjour Catherine...
- Bonjour Marc-Olivier.
- Ce matin, on parle d'amour, républicain s'entend : celui que Jacques Chirac voue à François Hollande... L'ancien président, qui refuse de juger son successeur à l'Elysée, ne rate pas une occasion d'encenser son successeur au Conseil général de Corrèze...
- C'est son chouchou. Il n'arrête de vanter ses mérites. Un jour, c'est à Michel Rocard... Un autre, devant les fidèles chiraquiens lors d'un déjeuner organisé par Jean-Louis Debré... A ses visiteurs... Et, de visu, on a constaté leur bonne entente il y a quelques jours en Corrèze. Au fond, ce sont des amis de presque trente ans ! L'histoire commence aux législatives de 81, quand François Hollande (dépêché par François Mitterrand) est allé affronter Jacques Chirac à Ussel. Et, sacrilège, a mis en ballotage celui qui était toujours élu au premier tour haut la main. A l'époque, la gauche corrézienne attendait Jacques Delors, natif de la circonscription, mais qui y a renoncé. La rumeur locale racontait que sa mère votait Chirac. Et puis, François Hollande s'est construit un fief à Tulle, où il a été battu deux fois. Mais localement, longtemps, ça n'a été que castagne entre eux.
- Et encore plus au plan national... Comme porte-parole du P.S, puis premier secrétaire, François Hollande a été un opposant impitoyable...
- Vous pouvez même dire qu'il a été terrible, féroce, pendant les cinq ans de cohabitation. Les piques, c'était tous les jours. Il clamait tout haut ce que Jospin ne pouvait dire. Et, à l'époque, Chirac s'en agaçait fort. Et plus que lui : Bernadette ! Elle l'appelait "moustique envahissant"... Et puis, elle le trouvait sans manières : lors des réceptions du 1er de l'An à la préfecture de Tulle, avec tous les notables... Au fond, c'était le jour où les Chirac recevait la Corrèze François Hollande se plaçait au côté de Jacques Chirac... Ségolène, qui l'accompagnait, ne disait jamais bonjour à Madame Chirac... Il y avait LE discours de Jacques Chirac... Et après lui, celui de François Hollande, qui envoyait toujours des vannes... Et comme il a du talent et de l'esprit, ça faisait toujours mouche... Il s'est fait une notoriété sur l'anti-Chiraquisme.
- Et Chirac, ne lui en veut pas ?
- Non. François Hollande raconte qu'ils se sont expliqués... Que c'est le jeu politique... "J'ai fait pareil avec Mitterrand, ce qui n'empêchait pas que je le respecte", lui a dit Jacques Chirac. Et puis, les deux hommes sont bons vivants... Aiment rire... Politiquement, sont-ils si éloignés ? Jacques Chirac est un radical corrézien. "Vous savez que mon mari a toujours été de gauche", lui a dit Bernadette il y a quelques jours... Et ça va d'autant mieux entre eux que Jacques Chirac n'est pas un homme hautain, méprisant. Et encore moins vaniteux. "Il m'appelle toujours Monsieur le président, mais moi je lui dis : c'est vous le Président", raconte François Hollande !
- Et Bernadette, s'est-elle aussi entichée de François Hollande !
- Il est plein d'attentions... Lui envoie une voiture quand elle arrive à la gare... Elle est toujours conseiller général. Et lui, il a été élu président du Conseil général à une voix de majorité. On a vu Madame Chirac voter avec la gauche. Et lui, François Hollande soutient ses projets à elle. Ils s'arrangent.
- Oui, mais ceux qui écoutent cette histoire vont vraiment se dire : la politique, c'est du théâtre ?
- Il y a d'abord que Chirac est Chirac. Comme le note l'écrivain Denis Tillinac, un Corrézien qui le connaît bien : "Jacques Chirac n'est pas rancunier, parce qu'il n'a pas le sens du temps et encore moins du passé". Pas rancunier? C'est à voir. Parce que cette histoire illustre une constante en politique : c'est que la camaraderie, l'amitié, sont plus aisées entre des hommes qui n'appartiennent pas au même camp. Lorsque le combat s'arrête, l'humanité des rapports reprend ses droits. Tandis qu'à l'intérieur des familles, ou avec les alliés, les haines peuvent être inextinguibles. Exemple : Giscard-Chirac... Mitterrand-Rocard... Chirac-Balladur...