M.O.F : L’édito politique d’Europe 1, bonjour Claude Askolovitch...
C.A : Bonjour.
M.O.F : François Bayrou écrit sa guerre contre Nicolas Sarkozy... Son livre, “abus de pouvoir” est sorti en librairie hier...
C.A : ... et c’est un bon livre, si on aime la belle langue française... et c’est un livre de combat... et plus encore... un livre de destruction contre Nicolas Sarkozy, expliqué en bushiste, en égocrate, en enfant barbare... bref en homme indigne d’une République et d’une France qu’il détournerait de son idéal... La preuve, selon Bayrou, par les amis patrons, par l’OTAN et par dix autres anecdotes... souvent exactes, parfois sur interprétés... et qui sont forcément réductrices ! Le Sarkozy du RSA, ou du plan jeune, ou des grands travaux... le Sarkozy de la crise économique... ne peut pas exister... pour Bayrou. Il faut que l’ennemi soit absolument mauvais pour justifier le besoin d’un recours... le besoin d’un homme courageux qui viendrait sauver la République... des griffes d’un pouvoir malin!
M.O.F : Et le recours, pour Bayrou, c’est lui-même...
C.A : Bayrou qui sculpte sa statue de rédempteur, qui veut redonner son destin à la France, grâce aux résistances qu’il sent monter dans la société... Lui qui fustige l’ego de Sarkozy pèche également par immodestie.... Mais personne ne rêve pas à l’Elysée en étant modeste, et Bayrou construit et affine son équation depuis des années... En 2002, face à Chirac, Bayrou plaidait pour le pluralisme à droite ; en 2007, contre Ségolène Royal et Sarkozy, il était pour le ni gauche ni droite. Il ne savait pas encore quel camp le porterait au pouvoir... Avec l’élection de Sarkozy, il a une ligne : il veut détruire le sarkozysme au nom de la France et donc, remplacer la gauche en relevant ses thèses... Lui qui était un droitier classique est aujourd’hui le plus féroce critique du libéralisme et de la doctrine du profit... et c’est sans doute la partie la plus intéressante du livre... un alliage d’anticapitalisme et de patriotisme et de conservatisme social, une juxtaposition de Porto Alegre et de Chevènement... Bayrou a donc trouvé une idéologie... pour justifier son destin !
M.O.F : Et c’est sincère selon vous?
C.A : Sans doute, tant c’est bien écrit... Disons que Bayrou nourrit son ambition d’une transcendance. Il y croit forcément... et le fait qu’il soit isolé dans le monde politique ne fait qu’apporter de l’eau à son moulin. On a un leader qui dit non à l’inacceptable et toutes les puissants conspirent contre lui, mais le vrai peuple va comprendre ! C’est le plus compliqué de son équation... cette absence de nuance par rapport à ses propres thèses... Bayrou est un modéré saisit par la passion, et ça peut rendre le débat très difficile... Par exemple, est-ce qu’on peut être en désaccord partiel sans être automatiquement un naïf, ou un suppôt du pouvoir, ou une marionnette des patrons ? La question suivante... est prématurée, mais elle est logique... Si Bayrou l’emportait à la prochaine présidentielle... ses partisans le porteraient aux nues comme le sauveur de la République... Comment, alors pourrait-on moralement s’opposer au président Bayrou ?