MOF : L’édito politique d’Europe 1, bonjour Claude Askolovitch… Hier soir, dans le débat des européennes sur France 2, François Bayrou a accusé Daniel Cohn-Bendit de défendre la pédophilie... Et pour vous, Claude, c’est plus qu’un simple dérapage?
C.A : Il y avait hier soir toute une colère que Bayrou a accumulée contre Cohn-Bendit. Mais ce qui s’est passé... c’est presque logique quand on regarde l’évolution de François Bayrou... Ca l’a fait un moment qu’il va toujours un peu plus loin... dans un style qui est très perturbant... il y a des attaques personnelles... Mercredi soir, c’était sur le physique de François Fillon. Il y a cette dénonciation des media et des sondeurs... qui manipulent le peuple, au service du pouvoir. Il y a cette idée d’une corruption généralisée... toutes ces élites qui se tiennent entre elles et qui vont à la soupe... d’ailleurs Cohn-Bendit est allé manger à l’Elysée ! Et hier, Bayrou est allé encore plus loin... Bayrou n’a pas dit pédophile hier soir, mais tout le monde a compris. Quand on écoute son discours, Bayrou se présente comme le défenseur d'un peuple qui souffre... et il est le seul à le défendre... contre des puissants qui s'entendraient tous entre eux, et qui s’entendraient contre lui, et en plus, ces puissants ont des mœurs pas très propres. En réalité François Bayrou parle comme un homme d'extrême droite...
MOF : Pour vous, Bayrou marche sur les traces de Jean-Marie Le Pen...
C.A : Ca serait tellement plus simple si c'était Le Pen qui avait attaqué Cohn-Bendit !... Mais là, il s’agit de Bayrou, qui a des chances raisonnables de devenir un jour président de la république, Bayrou qui n’est pas un fasciste... qui est un vrai européen... qui rassemble beaucoup de gens... on a la dérive d’un modéré... et c’est très perturbant. Bayrou dit qu’il défend la république contre le pouvoir personnel de Nicolas Sarkozy. Le problème, c’est qu'il emploie des arguments que tous les politologues connaissent.... c’est l’affrontement du Peuple contre les gros... la dénonciation de l’argent... Le mythe de l'homme seul contre les puissants... Une aventure personnelle d’un homme qui veut rétablir la république... en parlant comme un antirépublicain...
MOF : Et c'est une dérive délibérée...?
C.A : Oui. Bayrou est même très fier de lui... Il mène un combat sacré, donc tous les coups sont permis... Il pense que plus il parle dur, plus le peuple sera avec lui... Je lui ai parlé hier... très longuement... Ce qu'il dit, c'est qu'il se défend. Cohn-Bendit l'avait attaqué, il s'était moqué de lui et de son ambition présidentielle, il avait dit qu'il avait été touché par la vierge... et Bayrou affirme que ça l'a blessé dans ses convictions religieuses... donc il a répondu... C’est la loi du Talion... Bayrou ne veut plus être un chrétien dévoré par les lions, mais un démocrate chrétien qui dévore les lions... et les lions, c'est Cohn-Bendit ou les media, ce sont les sondeurs, c'est tout le monde... tous ceux qui ne sont pas avec lui. Il y a chez lui une revendication de virilité. Une admiration de sa propre force, et en même temps, il explique qu’il est une victime. Ca aussi, c’est un classique. Tous les populistes ont toujours expliqué que tout le monde leur en voulait!