Article réalisé à partir des archives INA.
Ce face à face constituait un acte décisif de l’entre-deux tours. François Mitterrand et Valéry Giscard d’Estaing se sont affrontés mardi soir lors d’un débat très attendu, durant lequel les deux concurrents avaient pour but de convaincre les Français de leur légitimité à l’Elysée. Animé par Michèle Cotta et Jean Boissonnat, l’échange entre les deux adversaires a été suivi par près de 30 millions de téléspectateurs.
"L’homme du passif"
Après le débat enflammé de l’entre deux tours de l’élection de 1974, ce nouveau duel sonnait surtout comme une "revanche". S’il a voulu rester fidèle à l’image de "force tranquille" face à ce qu’il appelle "l’agitation" de son concurrent, François Mitterrand a lancé à deux reprises des formulations bien choisies : "Vous avez tendance à reprendre le refrain d'il y a sept ans : l'homme du passé. C'est quand même ennuyeux que, dans l'intervalle, vous soyez devenu, vous, l'homme du passif", a ainsi lâché l’homme de l’opposition.
Encore plus agacé, François Mitterrand a livré une réponse sans concession à VGE, qui l’interrogeait sur le cours du mark allemand : "D'abord je n'aime pas beaucoup ces manières, je ne suis pas votre élève et vous n'êtes pas le président de la République ici, vous êtes simplement mon contradicteur", a asséné le candidat du Parti socialiste.
"Le ministère de la parole"
Mais la roue tourne. Et François Mitterrand s’est lui aussi laissé surprendre par une phrase amère de Valéry Giscard d’ Estaing : "vous avez le ministère de la parole", a rétorqué le président sortant à son adversaire, qui critiquait son septennat.
Entre ces attaques, les deux hommes ont eu le temps de balayer tous les grands thèmes de la campagne et notamment les questions de politique intérieure : l’éventuelle gouvernement de François Mitterrand s’il était au pouvoir, et surtout l’épineuse question de la participation des communistes.
Chômage, fiscalité, politique énergétique, les deux candidats ont aussi fait valoir leurs différends sur les questions économiques, alors que le thème de l’emploi était au cœur de cette campagne.
Mitterrand avait écrit à Giscard
Valéry Giscard d’Estaing avait émis l’idée d’un tel débat au soir même du premier tour, où il a dominé son adversaire d’une faible avance, avec 28,31% des voix contre 25,84% pour François Mitterrand. Avant d’accepter la proposition, le candidat socialiste n’avait pas hésité à poser ses conditions. "Je vous le dis fermement, ou bien des journalistes et un réalisateur indépendant conduiront le débat ou il n’aura pas lieu", avait-il écrit dans une lettre lue à la presse par Laurent Fabius, 24 heures avant la rencontre.
"Les réponses capitales de chacun des candidats qui débattront entre eux autant qu’ils le voudront, dans un temps égal de parole, ne peuvent être apportés qu’à des questions précises d’observateurs compétents, hors de toute atmosphère de match à sensation", avait-il ajouté.
Une référence au débat de 1974, pour lequel les deux hommes s’étaient déjà affrontés à travers des phrases restées mythiques. A l’instar de celle adressée à Valéry Giscard d’Estaing à l’adresse de François Mitterrand : "vous n’avez pas le monopole du cœur".