L'Europe fait feu de tout bois pour renforcer son indépendance énergétique. Rien que dans la journée d'hier, deux gigantesques projets ont été portés sur les fonds baptismaux. Le premier concerne l'approvisionnement européen en gaz. Le second vise à récupérer une partie de l'énergie solaire du Sahara pour alimenter le Vieux Continent en électricité propre.
"Nabucco" : c'est le nom donné au projet de gazoduc de 3.300 kilomètres de long qui permettra d'acheminer chaque année vers l'Europe 31 milliards de mètres cube de gaz en provenance d'Asie centrale. L'acte de naissance de ce projet a été scellé hier à Ankara, capitale de la Turquie, sous les yeux, entre autres, du président de la Commission européenne, José-Manuel Barroso. Tout un symbole ! Avec ce long tuyau qui devrait entrer en fonction en 2014 (et qui parcourra son territoire d'Est en Ouest), la Turquie deviendra une pièce maîtresse de l'indépendance énergétique de l'Europe. Le Vieux Continent - c'est en tout cas le but de l'opération - sera moins exposé qu'aujourd'hui aux sautes d'humeur de la Russie (souvenez-vous des crises politiques qui ont opposé les autorités russes au gouvernement ukrainien, l'hiver dernier et en 2006, crises qui ont nourri les craintes d'une rupture d'approvisionnement en gaz des pays de l'Union européenne). Or aujourd'hui, un quart du gaz naturel consommé en Europe est Russe.
D'un côté, donc, un nouveau gazoduc, et de l'autre un projet beaucoup moins classique puisqu'il s'agit de capter l'énergie solaire du désert. Rien que ça !
Avec ce qui a été présenté hier à Munich, on ne pourra plus dire qu'il n'y a "rien de nouveau sous le soleil" ! Douze entreprises, pour la plupart allemandes (et pas n'importe lesquelles : Siemens, Eon, RWE, Munich Ré, la Deutsche Bank...) ont décidé de lancer des études pour construire un réseau d'une quarantaine de centrales thermiques solaires éparpillées dans toute l'Afrique du Nord et au Moyen Orient. Ces centrales fabriqueront du courant dont une partie sera destinée aux pays d'accueil, mais dont l'essentiel sera acheminé jusqu'en Europe par des câbles sous-marins qui traverseront la Méditerranée. L'ambition, c'est de couvrir à terme 15% des besoins énergétiques européens. Une autre manière de dépendre un peu moins qu'aujourd'hui du gaz russe et du pétrole des pays du Golfe. Evidemement, il va falloir être patient : les porteurs du projet évoquent un horizon lointain - 2050 - et avancent un coût qui va faire réfléchir : 400 milliards d'euros ! La chancelière allemande, Angela Merkel, soutient le projet, mais il y a aussi des détracteurs qui voient dans la construction de ce réseau en Afrique du Nord une nouvelle forme de colonialisme. Peut-être, mais on nous a toujours dit que l'énergie solaire était inépuisable.