Il va falloir se faire une raison : la rémunération du Livret A va encore baisser le 1er août. Elle va passer de 1,75% à 1,25%. L'annonce en a été faite hier par la Ministre de l'Economie Christine Lagarde qui a invoqué le recul des prix à la consommation et la forte baisse des taux d'intérêt en Europe.
Avec le Livret A, il va falloir s'habituer aux situations exceptionnelles. Un taux de 1,25%, c'est simple : ça ne s'est jamais vu. Mais surtout, jamais dans l'histoire de ce placement préféré des Français, la rémunération nominale n'a fondu aussi fortement en si peu de temps. Souvenez-vous : il y a encore un an, le Livret A offrait 4% d'intérêts. En février dernier, le taux a été ramené à 2 et demi. A l'époque déjà, l'ampleur de la baisse en a ému plus d'un. Et ce n'était pas fini ! 1,75% en avril et maintenant 1,25% (en tous cas à partir du 1er août). Longtemps, le taux du Livret A a brillé par son inertie. Aujourd'hui ce n'est plus le cas et ce ne sont pas les organismes HLM qui s'en plaindront : c'est avec l'argent que nous mettons sur nos Livrets A qu'ils financent la construction de logements sociaux. Moins la rémunération est élevée, moins ça leur coûte cher de "taper" dans cette ressource.
1,25% à partir du 1er août, c'est le taux "affiché". Mais si on s'intéresse à la rémunération réelle (qui tient compte, elle, de l'inflation), 1,25%, c'est pas si mal.
C'est même très bien ! Hier, l'Insee a annoncé que sur un an (de juin 2008 à juin 2009), les prix à la consommation ont reculé de 0,5%. Faites le calcul : 0,5 plus 1,25, ça fait un écart - donc une rémunération réelle - de 1,75%. Ça va vous surprendre, mais rarement le Livret A a rapporté autant ! A titre de comparaison, il y a un an, quand le taux était à 4%, la rémunération réelle était moins élevée qu'aujourd'hui, puisque l'inflation, elle, était à 3%. C'est ce que les économistes appellent "l'illusion monétaire". Nous ne nous intéressons qu'au seul taux nominal, alors que ce qui compte, pour savoir si un placement nous rapporte de l'argent, c'est la rémunération réelle. Cette illusion monétaire a joué à plein à la fin des années 1970. A l'époque, le taux du Livret A était de 8% (on pensait que c'était le pactole) mais l'inflation caracolait à 11%. En réalité, en mettant nos économies sur un Livret A, on perdait de l'argent !
Ce qui est clair, en tout cas, c'est que taux du Livret A est un sujet politiquement très sensible.
Il suffit de voir comment Christine Lagarde a justifié, hier, la décision de baisser le taux nominal à 1,25%. Si le gouvernement s'en était tenu à la formule d'ajustement automatique, ce ne serait pas 1,25%, a-t-elle dit, mais 0,25%. Sous entendu : les quelque 50 millions de Français qui détiennent un Livret A peuvent s'estimer heureux. C'est en 2003 que cette formule d'ajustement automatique a été instituée. Le but, à l'époque, c'était de dépolitiser le sujet en se retranchant derrière la vérité des chiffres. Ca a marché pendant quelques années mais, aujourd'hui, le gouvernement reprend la main. Avec l'annonce d'hier, c'est la cinquième fois que le pouvoir politique contourne la formule. Autant dire que la formule est morte.