Le quotidien Libération a étudié les comptes de BNP Paribas, et, d'après le quotidien, les traders vont bientôt se partager un petit pactole : 1 milliard d'euros de bonus. Ça peut surprendre quand on sait que la banque a bénéficé d'un coup de pouce de 5 milliards d'euros, fin 2008.
C'est le retour du mot tabou par excellence au cours des derniers mois : "Bonus". Les politiques, le gouvernement et même le président avaient prévenu : pas question qu'un établissement qui a touché des deniers publics pour éviter la faillite ne licencie ou ne verse des bonus. Or, la BNP Paribas a obtenu 5 milliards de fonds publics et va verser 59.000 euros de bonus en moyenne à ses traders ! Pourtant, sachez que tout cela est normal et même conforme aux règles. La BNP est une des rares banques à avoir traversé la crise sans trop d'encombres. Elle a même pu acquérir à un prix très intéressant une concurrente au bord de la faillite, fin 2008 : Fortis, achetée 815 millions d'euros en dessous de sa valeur. Cette acquisition commence même à lui rapporter de l'argent. Elle finit le deuxième trimestre dans le vert avec un résultat net d'1,6 milliard d'euros. Dans ces conditions, aucun gouvernement n'interdit à un groupe privé, même aidé à un moment donné par des fonds publics, de récompenser la bonne gestion de ses équipes.
Mais il y a quand même eu 5 milliards publics versés et c'est grâce à l'argent du contribuable que la BNP Paribas a évité la banqueroute et dégage de bons résultats. Ce sont les traders qui en profitent : est-ce choquant ?
Choquant oui, si l'on se place du côté de la morale, surtout qu'il s'agit de sommes conséquentes. On peut d'ailleurs parier que c'est vers ce débat qu'on va se diriger dans les heures qui viennent. Mais d'un point de vue comptable, mettre les 5 milliards de l'Etat en face du bonus d'un milliard, c'est additionner des petits pois et des carottes. Les 5 milliards d'euros sont une avance de trésorerie pour permettre à la banque d'avoir un "apport personnel", si on compare avec un prêt traditionnel, et obtenir ainsi une plus grosse somme d'argent pour faire tourner son business. C'est comme ça que ça marche, les banques se prêtent entre elles, font travailler l'argent (ça s'appelle l'interbancaire) mais, à l'automne, tout cela était totalement grippé. On ne peut donc pas dire qu'un cinquième de ces 5 milliards du contribuable part directement dans les poches des traders. En revanche, le monde de la finance fonctionne sur une rémunération variable. Les traders touchent de très très grosses commissions, mais uniquement quand ils atteignent ou dépassent leurs performances. Cela fait partie du contrat, c'est une prime à la performance. On peut donc difficilement reprocher à la banque de reverser une partie des sommes gagnées grâce à la filiale investissement.
Cela prouve-t-il que rien n'a changé, malgré la crise ?
Certainement. D'ailleurs, on le sentait déjà à Davos, en janvier dernier. À l'époque déjà, derrière les mea culpa des banquiers, le discours était : "pas plus de contrôle public mais un meilleur contrôle". En clair, cela voulait dire que les banquiers détestaient l'idée d'être sous la tutelle des États. D'ailleurs, le premier réflexe des grandes banques américaines est de s'empresser de rembourser leurs prêts pour redevenir les seuls maîtres à bord. Mais, les mentalités n'ont pas changé, les modes de fonctionnement non plus. On le voit actuellement sur les marchés où, sentant la reprise, on délaisse les placements sécurisés pour se jeter à nouveau sur des placements à risques et les marchés action. Rien n'a changé. Même les banques d'affaires américaines reversent des bonus énormes. Le patron de Goldman Sachs vient meme de demander à ses traders de dépenser leurs bonus discrètement car, là bas aussi, ça fait grincer des dents.