La légitime défense aurait entrainé son acquittement. Mercredi, les assises du Tarn en ont décidé autrement. Estimant que la riposte avait été disproportionnée, la cour a condamné vendredi Luc Fournié à sept ans de prison pour avoir tué un cambrioleur de 17 ans d'un coup de fusil en 2009. Plus tôt, l'avocat général avait pourtant demandé l'acquittement en considérant que l'accusé "avait eu la conduite parfaitement adaptée" et qu'il "était dans une situation de danger imminent".
"Ça me confirme que je ne suis pas folle". Isabelle Fournier, la sœur de l'accusé est abasourdie par cette condamnation. "Je suis effondrée, c'est tellement injuste. Tout ça pour protéger sa famille, pour défendre sa famille", réagit-elle au bord des larmes. Me Georges Catala, l'avocat de l'accusé est lui aussi stupéfait. "Nous sommes sidérés. On est obligé de considérer que l'avocat général demande l'acquittement et que l'homme qui se présente devant la justice n'est pas un voyou. J'aurais tendance à dire que c'est une prime à la voyoucratie qui pourra se présenter, à deux heures du matin, au domicile de gens laborieux, et faire ce qu'il a à faire", déplore-t-il au micro d'Europe 1.
Elsa, la soeur du cambrioleur tué a, pour sa part, embrassé longuement sa maman à l'énoncé du jugement. "C'est ce que j'attendais, je voulais juste entendre le mot coupable, quelque soit la peine. Évidemment, sept ans, ce n'est pas rien. Ça me confirme que je ne suis pas folle, que ce qui s'est passé n'était pas normal", estime-t-elle.
"Son fusil était chargé et il dormait dans la réserve". Quatre jours avant le drame, Luc Fournié avait été alerté par sa sœur que les barreaux d'une fenêtre de son établissement avaient été sciés. Selon un des experts psychiatres, il s'était alors "préparé au retour des voleurs : son fusil était chargé et par précaution il dormait dans la réserve", située au rez-de-chaussée. "On était sur le qui-vive depuis plusieurs jours et je croyais que les gendarmes nous protégeaient", s'est défendu le buraliste. Ce dernier a indiqué ne pas avoir réparé les barreaux endommagés car, selon lui, les gendarmes lui avaient demandé "de ne toucher à rien".
"Luc Fournié a préparé son piège pendant quatre jours", a tonné pendant sa plaidoirie l'avocat de la partie civile, Me Simon Cohen. "On ne peut pas être en état de légitime défense quand on prépare sa défense", a ajouté l'avocat de la famille de la victime. Un argument balayé par l'avocat général Pierre Bernard, qui estime, lui, que "la loi n'a jamais interdit de réfléchir à sa sécurité et de préméditer sa riposte". "Luc Fournié ne savait nullement qui il avait en face de lui. Il a objectivement tiré sans le savoir", a détaillé le magistrat dans son réquisitoire.
"Pris par la peur et la panique j'ai tiré sans viser". Le deuxième avocat de la partie civile, Me Patrick Maisonneuve, avait lui insisté sur "la disproportion" entre les deux coups de feu "et l'acte de Jonathan et Ugo". Il a aussi précisé qu'au cours de l'instruction "cinq magistrats" avaient rejeté le principe de la légitime défense. La nuit du 14 décembre 2009, Luc Fournié, alerté par du bruit, s'était rendu à l'étage de son établissement s'emparer d'un fusil de chasse, déjà chargé. Suivi par sa soeur, il était descendu, avait alors aperçu "une grande silhouette".
"Pris par la peur et la panique j'ai tiré sans viser", a-t-il indiqué pendant l'audience. Touché au ventre, Jonathan s'était effondré et Ugo, son acolyte, avait pris la fuite. "Vous avez ensuite enjambé le cadavre de Jonathan et tiré dans la direction du fuyard", a souligné Me Maisonneuve. L'avocat général a estimé que le deuxième coup de feu, "tiré trois mètres à gauche de la fenêtre qu'Ugo s'apprêtait à franchir", ne pouvait être considéré comme "une riposte disproportionnée, car le fuyard était encore sur les lieux".
"On pensait pas à des jeunes, mais à des Roumains". Luc Fournié et sa sœur se sont dit "surpris" de découvrir un jeune homme gisant à terre. "On pensait pas à des jeunes, mais à une bande de Roumains", avait précisé lundi à l'audience la sœur de l'accusé. Le procès a mis à jour le fonctionnement d'une famille vivant "en vase clos", selon les mots de l'ex-épouse du buraliste. Il habitait dans un appartement spartiate au-dessus du bar-tabac avec sa mère, sa soeur et son neveu. "La famille c'est sacré", avait déclaré à l'audience Luc Fournié. "Je ne me sens pas coupable et je referais la même chose dans les mêmes conditions", avait-il précisé, au cours de l'expertise psychologique.
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