Farid Benyettou a les cheveux longs, le turban et son look de prédicateur. Cet homme de 33 ans, qui a purgé une peine de six ans de prison pour avoir organisé des filières djihadistes en Irak, est l’ancien mentor des frères Kouachi, auteurs de l’attentat contre Charlie Hebdo. Aujourd’hui libre et mis hors de cause après la tuerie, il nous explique qu’il avait gardé le contact avec les frères Kouachi et avait même vu le cadet, Chérif, il y a à peine deux mois.
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"C’était un ignorant". C’est dans les années 2000 que les deux hommes, Saïd et Chérif, venaient suivre des cours de religion chez celui qui se présentait alors comme un "émir". Farid Benyettou assure avoir tourné la page depuis sa sortie de prison. Mais il y a deux mois, Chérif Kouachi, le cadet, est venu le voir. Les deux hommes se sont vus trois fois, avec à chaque fois le même débat autour des tueries de Mohamed Merah à Toulouse.
"Chérif, c’est quelqu’un qui est favorable au djihad. Je lui ai dit clairement : ‘moi, ce qui s’est passé à Toulouse, je suis contre, que ce soit des militaires ou la communauté juive’", se souvient Farid Benyettou. Chérif Kouachi, qu’il décrit comme "très têtu, très borné", "avait du mal à accepter ça de ma part, mais j’ai continué à défendre mon opinion, quitte même à le choquer".
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"Ce sont des gens qui ont très peu de savoir religieux, surtout Chérif […], c’était un ignorant", affirme Farid Benyettou. Selon lui, à aucun moment Chérif ne parle alors d’une action en France ou n’évoque les caricatures de Charlie Hebdo.
"C’est contraire aux principes de l’islam". Au lendemain de l’attentat contre l’hebdomadaire, l’ancien prédicateur a traversé Paris, à vélo, pour se rendre, de lui-même, à la sous-direction antiterroriste. L’homme n’a pas été placé en garde à vue. Lui qui sait que "pour certains [son] nom peut être associé à ces choses-là" assure que s’il souhaite parler aujourd’hui, c’est pour "dire à ces jeunes qu’[il n’est] pas d’accord du tout" et éviter d’autres passages à l’acte. "C’est contraire aux principes de l’islam, c’est criminel", ce sont "des pulsions meurtrières", poursuit-il, ajoutant encore : "la religion n’a rien à voir avec ça".
Aujourd’hui, Farid Benyettou garde une vision stricte de l’islam. Mais il dit aspirer à une autre vie et termine actuellement ses études pour obtenir le diplôme d’infirmier. L’homme était en stage à l’hôpital parisien de la Pitié Salpêtrière. Selon l’AP-HP, depuis les événements, il a été retiré du "planning du service où il terminait son dernier stage".
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