Cela fait plus de vingt ans que la procédure judiciaire dure, avec à la clef de multiples rebondissements. Mardi, la cour d'appel de Paris se prononce sur une éventuelle révision de cette décision très contestée. La cour doit essentiellement se positionner sur sa compétence à examiner ce recours et sur la recevabilité de celui-ci.
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• Qu’est-ce que cet arbitrage ? C’est une sentence, prononcée par un tribunal arbitral, venue solder un vieux litige entre Bernard Tapie et la banque du Crédit lyonnais sur les opérations de vente d'Adidas en 1993 et 1994, dans lesquelles Bernard Tapie s'était estimé lésé. En juillet 2008, cet arbitrage avait octroyé 403 millions d’euros à l'homme d'affaires.
Rendue par trois personnalités choisies par les parties, cette décision controversée est par ailleurs au cœur d'une enquête pénale dans laquelle six personnes, dont Bernard Tapie, son avocat Maurice Lantourne et l'un des trois juges du tribunal arbitral, Pierre Estoup, sont mis en examen pour "escroquerie en bande organisée". Les juges du pôle financier de Paris soupçonnent que la sentence a été le fruit d'un "simulacre d'arbitrage" destiné à favoriser l'ancien président de l'OM.
Les juges du pôle financier de Paris enquêtent aussi sur le rôle de l'exécutif, via les structures chargées de solder l'héritage du Crédit lyonnais, le sujet étant suivi à l'Elysée, où Bernard Tapie s'était rendu plusieurs fois sous Nicolas Sarkozy. Alors directeur de cabinet à Bercy, le patron d'Orange Stéphane Richard a aussi été mis en examen. C'est aussi le cas de l'actuelle directrice générale du FMI, alors ministre de l'Économie, Christine Lagarde, qui se voit reprocher des négligences devant la Cour de Justice de la République (CJR).
• Qui a déposé ce recours ? Le Consortium de réalisation (CDR), l'organisme chargé de gérer l'héritage du Crédit lyonnais, a déposé un recours en révision contre cette sentence en 2013, auprès de la cour d’appel de Paris. Mais cette dernière n’est compétente, c’est-à-dire ne peut se saisir de l'affaire, que si l'arbitrage rendu est interne ou national, ce que plaide le CDR. A l’inverse, le camp Tapie soutient qu'il s'agit d'un arbitrage international et rejette donc la compétence de la cour d’appel pour examiner ce recours. Dans le cas d’un arbitrage international, le recours doit être examiné devant le tribunal arbitral, qui devrait être composé de nouveaux juges. En revanche, si la cour d'appel est compétente sur ce dossier, elle devra ensuite se prononcer sur la recevabilité de ce recours.
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• Quelles sont les conditions pour que le recours soit accepté ? Pour être recevable, le recours doit aussi démontrer une fraude. Lors de l'audience, le 25 novembre 2014, l'avocat du Consortium de réalisation, Jean-Pierre Martel, avait rappelé l'une des principales charges contre les mis en examen : des relations anciennes et dissimulées entre Bernard Tapie, son avocat Maurice Lantourne et le juge Pierre Estoup, ayant participé à l'arbitrage. Un argument contesté par le camp Tapie.
• Quelles conséquences pourraient avoir un rejet de cet arbitrage ? L'enjeu est considérable, car la cour d'appel pourrait reprendre tout le dossier qui dure depuis maintenant plus de 20 ans. La décision pourra ensuite faire l'objet d'un pourvoi en cassation. Pour Thomas Clay, spécialiste engagé contre l'arbitrage, cette révision est probable et elle pourrait coûter cher à Bernard Tapie. "Aujourd'hui, les indices sont accablants sur l'hypothèse d'une fraude. Si l'hypothèse, assez probable, d'une sentence annulée, alors nous devrions revenir à la situation avant la sentence. Avant la sentence, Bernard Tapie avait 400 millions d'euros de moins qu'après la sentence. Donc il devra restituer les sommes", rappelle le spécialiste au micro d'Europe 1.
Si l'arbitrage est invalidé, Bernard Tapie ne devra toutefois pas signer dans la foulée un chèque de 403 millions d'euros, mais la justice s'assurera un peu plus de sa solvabilité. Sachant qu'une partie de son patrimoine est déjà gelé, puisque Bernard Tapie est par ailleurs mis en examen pour escroquerie. Mais, pour que l'homme d'affaires soit contraint de rembourser définitivement les millions d’euros dont il a bénéficié, il faudrait que le conflit entre le Crédit lyonnais et l’homme d’affaires soit de nouveau jugé, cette fois-ci en faveur de la banque. Le "feuilleton Tapie", vieux de 23 ans, est donc loin d'être terminé.
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