Des défaillances dans le suivi judiciaire au cœur du procès de Matthieu. Le jeune homme de 19 ans est jugé depuis lundi devant les assises de Haute-Loire pour l'assassinat et le viol d'Agnès, la collégienne de 13 ans retrouvée calcinée en novembre 2011 au Chambon-sur-Lignon. Il est également jugé pour le viol, un an plus tôt, d'une mineure dans le Gard. Ce drame avait suscité un profond émoi en France et déclenché une vive polémique sur l'évaluation de la dangerosité et le suivi judiciaire des délinquants sexuels.
Jeudi, le huis clos a été partiellement levé à la demande de Me Valérie Devèze, l'avocate de la première victime de Matthieu. Cette journée était consacrée aux témoignages de personnels de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) du Gard, aux psychiatres et psychothérapeutes ayant suivi l'accusé après le premier viol et à l'ancien directeur du Cévenol, un collège-lycée Cévenol privé select du Chambon-sur-Lignon, où Matthieu était scolarisé.
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Une accumulation de négligences. Les témoignages ont tous souligné une accumulation de fautes et d'incompétences. Ainsi, en novembre 2010, dès que Matthieu est libéré puis scolarisé au lycée Cévenol, situé à 400 km de chez lui, la machine judiciaire s'enraille. Son contrôle judiciaire doit être effectué par la protection judiciaire de la jeunesse de Nîmes et une éducatrice est censée le suivre de près. Mais les choses ne se passent pas ainsi.
A la barre, elle a admis qu'en un an elle n'avait vu qu'une seule fois la direction du collège. Et encore, le jour du rendez-vous, elle ne fait que croiser le directeur. De la scolarité de Matthieu, elle ne sait presque rien, elle ne demande pas les bulletins scolaires, elle ne pose aucune question lorsqu'on évoque devant elle les problèmes de comportement de Matthieu au collège. "Nos échos étaient positifs. Il n'avait rien à signaler dans son comportement, si ce n'est un point minime", a résumé Audrey Bruyère, l'éducatrice de la PJJ chargée du suivi de Matthieu.
De son côté, le directeur du Cévenol Philippe Bauwens assure à la barre n'avoir "pas compris que Matthieu était sous contrôle judiciaire" et ignorait "qu'il devait rendre compte de ses problèmes" à la PJJ. "Si ça avait été le cas je l'aurais fait", a-t-il dit, expliquant que l'accusé avait été notamment exclu une semaine et devait être renvoyé pour avoir "visionné un site porno sur internet".
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"Un problème d'amnésie générale". Des explications qui ne convainquent pas Frédéric Marin le père d'Agnès. " Je suis épouvanté par la lâcheté humaine, quand le mensonge fait concurrence à la pitrerie. Des gens se sont renvoyés la responsabilité. Ils ont tous, tout oublié. De toute évidence, entre la protection judiciaire de la jeunesse et le Cévenol, il y un problème d'amnésie générale. La seule réalité, c'est que ma fille a fini dans un feu de forêt.
"Pas l'ombre d'un regret des responsables :
"Les institutions ont failli". Le père de la jeune victime déplore aussi qu'aucune instance n'aient présenté ses excuses concernant l'événement dramatique de novembre 2011. "Je n'ai pas entendu un seul de ces responsables exprimer l'ombre d'un regret, d'un doute sur un dysfonctionnement, peut-être quelque chose qui ne s'est pas bien passé, mais non, rien', dénonce Frédéric Marin. Ce dernier tient toutefois à saluer la position de la cour d'assises. "Je dois remercier la cour, le président qui a été extrêmement offensif. L'avocat général qui a eu le courage de dire que les institutions ont failli et que ce n'était malheureusement pas une hypothèse", commente-t-il. Le procès débuté lundi doit durer neuf jours.
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