La réforme pénale entre en vigueur sur fond d'inquiétudes

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Chloé Triomphe avec Thomas Sotto et avec AFP
JUSTICE - La réforme pénale de Christiane Taubira entre en grande partie en vigueur mercredi. Parmi les mesures aussi emblématiques que contestées, la contrainte pénale.

Emblématique mais contestée. La réforme pénale de Christiane Taubira entre mercredi en vigueur, alors que des représentants du monde judiciaire s'inquiètent d'une loi faite dans la précipitation, et sans réels moyens.

La contrainte pénale. Parmi les mesures phares, la contrainte pénale. Il s'agit d'une nouvelle peine "hors les murs", pour les délits passibles d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. Cette peine impose au condamné un suivi très strict, ponctué d'injonctions thérapeutiques, de stages de citoyenneté, mais aussi de réparations du préjudice et de travaux d'intérêt généraux. Une peine qui pourra toutefois se transformer en prison ferme, en cas de non respect de ces obligations.

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Une réforme critiquée pour sa précipitation. La contrainte pénale est contestée par de nombreux acteurs du monde judiciaire, comme les conseillers d'insertion et de probation, les policiers chargés du suivi d'un condamné, mais aussi les magistrats. Ces derniers dénoncent une surcharge de travail et un manque d'effectif sur le terrain, malgré les embauches annoncées.

Parmi les voix dissonantes, Céline Parisot, secrétaire nationale de l'USM, premier syndicat de la magistrature, conteste une réforme "précipitée". "Il est inadapté de la mettre en œuvre actuellement",a-t-elle estimé. Mercredi matin sur Europe1, la magistrate a par ailleurs souligné des problèmes de suivi de la part de l'administration : "Les services ne vont pas suivre. Donc au fur et à mesure, la qualité du travail va en perdre, notamment dans le suivi de certains condamnés", a ajouté Céline Parisot.

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Un manque d'effectif dénoncé. Mêmes inquiétudes pour la police, surtout du côté des policiers chargés du suivi des condamnés. Michel-Antoine Thiers, secrétaire national du syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI), craint que ce suivi ne s'effectue au détriment des enquêtes et du travail de terrain. "Ce dispositif vient se rajouter à de nombreux autres déployés au cours des quinze dernières années, sans qu'aucun moyen adapté ne soit mis en place pour faire face", a-t-il déploré au micro d'Europe1, malgré le millier de conseillers d'insertion et de probation supplémentaires promis par la Chancellerie. "Ils vont être recrutés, certains l'ont déjà été. Mais ils ne seront pas opérationnels avant deux ans et demi dans le meilleur des cas", a-t-il assuré.

Des critiques sur l'application. Car sur le fond, cette nouvelle peine est plutôt bien accueillie. "C'est une mesure de probation expérimentée avec succès dans certains pays", a estimé Michel-Antoine Thiers, ajoutant qu'il n'y avait pas de raisons que la France échappe à la règle. Avant de rappeler son désaccord sur l'application: "Cela dit, les meilleures lois du monde ne fonctionnent que si nous avons les moyens de les appliquer".                 

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20.000 contraintes pénales annuelles. "Ça n'est pas si compliqué que cela", a de son côté tempéré le socialiste Dominique Raimbourg, rapporteur de la loi à l'Assemblée. Défendant un "premier pas vers une simplification de notre chaîne pénale", il a jugé "mesuré" l'effort représenté par le maximum de 20.000 contraintes pénales annuelles pronostiquées par l'étude gouvernementale, sur plus de 600.000 condamnations chaque année pour délits. S'il reconnaît un effort "réel mais pas suffisant" sur les postes, Dominique Raimbourg plaide aussi pour que certains délits, notamment routiers, soient contraventionnalisés pour réduire l'engorgement des tribunaux.