L’INFO. Cinq stagiaires et leur guide ont été retrouvés morts mercredi après une chute de 250 mètres la veille dans le massif du Mont-Blanc, l'un des plus graves accidents d'alpinisme depuis dix ans dans les Alpes françaises. L’itinéraire qu’ils avaient choisi n’est pas réputé pour sa dangerosité et les conditions météorologiques étaient bonnes. Une enquête a été ouverte pour connaître les circonstances de l’accident.
>> LIRE AUSSI - Mont-Blanc : le sixième alpiniste retrouvé mort dans une crevasse
Qui sont les victimes ? Ces stagiaires, quatre hommes et une femme, des Français âgés de 27 à 45 ans, participaient à un "stage de perfectionnement" de deux semaines, organisé par l'UCPA (Union nationale des centres sportifs de plein air), accompagnés par un guide de 42 ans, salarié de l'organisme depuis 2009. Ce dernier est décrit comme “posé et méticuleux” par Jean-Philippe Lacoste, le directeur du centre de l’UCPA de Chamonix, au micro d‘Europe 1. "Pierre était un guide expérimenté, qui fait cette course tous les 15 jours", a quant à lui précisé le gardien du refuge où ils devaient se rendre, Fred Laurenzio. Selon nos informations, le guide avait réalisé cette ascension avec d'autres stagiaires au moins deux fois depuis le début de l'été.
"Ces alpinistes n'étaient pas des novices", a précisé Jean-Baptiste Estachy, le commandant du Peloton de gendarmerie de haute-montagne (PGHM), selon lequel ils terminaient leur deuxième semaine de stage et cette ascension était la "suite logique d'une progression faite dans les derniers jours". “Comme c’est un stage long, les gens qui s’y inscrivent sont déjà des personnes qui ont une pratique de la montagne”, a précisé de son côté Jean-Philippe Lacoste. Il est ainsi considéré que la présence d'un seul guide est suffisante dans l'accompagnement des groupes d'un tel niveau.
Que s’est-il passé ? Ils étaient partis mardi à 4 heures du matin pour l'ascension de l'Aiguille d'Argentière, qui culmine à 3.901 mètres, et devaient regagner le refuge du même nom entre 14 heures et 16 heures. Ne les voyant pas revenir à 17 heures, la gardienne du refuge a alerté le PGHM de Chamonix.
Dès l'annonce de la disparition, le plan Orsec montagne a été déclenché, avec des "reconnaissances aéroportées" dès 20h30, selon le préfet Georges-François Leclerc. Rendus difficiles par une mauvaise météo, les secours ont repris mercredi matin avec un hélicoptère, puis quatre gendarmes au sol.
Cinq corps, dont celui du guide, ont été retrouvés mercredi vers 9 heures, entre 3.500 et 3.700 mètres d'altitude. Le corps du sixième alpiniste a été découvert dans l'après-midi, "au fond d'une crevasse", selon le préfet de Haute-Savoie. "Ils ont dévissé sur le Glacier du Milieu, sur l'itinéraire de retour", a détaillé Jean-Baptiste Estachy, lors d'une conférence de presse, estimant que l'accident "a pu avoir lieu vers la mi-journée". "On a la certitude qu'ils sont décédés sur le coup après une chute de 250 mètres", a-t-il dit.
Le groupe a-t-il simplement dévissé ou a-t-il été emporté par une plaque de neige ? Sur les lieux de l'accident, on relève des traces de coulées de neige fraîche mais rien ne permet pour l'heure d'affirmer qu'elles ont provoqué la chute. Autre questions auxquelles devra répondre l'enquête : comment les alpinistes étaient-ils encordés ? En principe, ces derniers devaient progresser par groupes de deux et ce serait ainsi, selon les enquêteurs, ce serait un mystère que dans ce cas les six alpinistes aient été emportés en même temps.
Une zone dangereuse ? Pratiqué tout au long de l'année, cet itinéraire est jugé "peu difficile en cotation montagnarde", a observé David Ravanel, président de la compagnie des guides de Chamonix. "Mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de risque et pas de danger”. Selon les connaisseurs de la région, cette zone est même parfois descendue en ski au printemps, signe d’une dangerosité limitée.
"Quand ils sont partis, il y avait de très bonnes conditions météo et la visibilité était optimale, a ajouté David Ravanel, les conditions de regel au petit matin étaient très, très bonnes et le mauvais temps dont on parle est arrivé bien après”. "Sur le bassin de l'Argentière, il n'y a pas de réseau", a néanmoins déploré le gardien du refuge : "s'il y a un petit problème, ça peut se transformer en très gros problème car il faut descendre et rejoindre le refuge par ses propres moyens pour déclencher un secours".
Et maintenant ? Une enquête de gendarmerie a été ouverte pour déterminer les circonstances de l'accident, a indiqué le vice-procureur de Bonneville, Agnès Robine, qui juge "prématuré de tirer des conclusions" sur les responsabilités éventuelles.
Cet accident est l’un des plus graves des dix dernières années dans les Alpes françaises. En juillet 2012, neuf alpinistes suisse, allemands, britanniques et espagnols avaient été tués par une avalanche au Mont Maudit dans le massif du Mont-Blanc.