La décision de la justice ne passe pas. De nouvelles manifestations de policiers ont été organisées jeudi, à Bobigny ou à Lyon, comme la veille sur les Champs-Elysées à Paris, pour protester contre la mise en examen pour homicide volontaire d'un de leurs collègues après la mort d'un suspect en fuite. Claude Guéant, le ministre de l'Intérieur, a dit comprendre la colère des policiers. Le parquet de son côté refuse de changer d'orientation. Et l'affaire devient politique : les deux candidats en lice pour le second tour ont reçu chacun une délégation de policiers.
Europe1.fr résume les différents points polémiques de cette affaire.
Que s'est-il passé samedi soir à Noisy-le-Sec ? Des policiers sont intervenus à Noisy-le-Sec, en Seine-Saint-Denis, pour arrêter un malfaiteur en fuite après plusieurs vols à main armée. Les quatre policiers mobilisés avaient été prévenus de la présence du suspect dans le centre-ville de Noisy-le-Sec par un appel anonyme. Le fonctionnaire incriminé, qui était seul en voiture, alors que ses collègues intervenaient à pied a ouvert le feu à quatre reprises contre le voleur récidiviste. Ce dernier, âgé de 28 ans, a été tué d'une balle dans le dos. Le policier a expliqué s'être retrouvé en face du fuyard, qui "l'aurait alors visé en tendant son bras armé vers lui".
Pourquoi le policier a été mis en examen ? L'autopsie et un témoignage ont mis à mal la version de la légitime défense. Un témoin qui était en voiture a en effet relaté "avoir assisté à une scène de course poursuite (...) au cours de laquelle un homme faisait feu en direction d'un fuyard", a rapporté le parquet. Et si l'homme en fuite était armé d'un revolver approvisionné, il n'en a pas fait usage. La grenade qu'il a lancée "s'est révélée a posteriori inoffensive", indique le parquet. Le juge d'instruction a donc décide de mettre en examen le policer pour homicide volontaire. Le fonctionnaire de 33 ans a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercer.
Que réclament les policiers ? Plusieurs centaines de policiers ont manifesté mercredi soir de façon spontanée et spectaculaire à Bobigny puis pour certains sur les Champs-Elysées à Paris contre la mise en examen de leur collègue. En plein Paris, une cinquantaine de voitures de police - certaines banalisées et d'autres siglées "police" - ont descendu la célèbre avenue, gyrophares allumés et sirènes hurlantes. Après s'être heurtés à un double cordon de motards de la police et de CRS, ils ont pu avoir accès au ministère de l'Intérieur, pour demander du soutien.
Les policiers veulent la requalification des faits retenus contre leur collègue. Pour eux, la qualification d'homicide volontaire est excessive parce que leur collègue n'a jamais eu la volonté de tuer le malfaiteur.
Que répond la justice ? Le parquet de Bobigny a annoncé jeudi en début d'après-midi qu'il ne faisait pas appel de la mise en examen pour homicide volontaire d'un policier de Seine-Saint-Denis qui avait tué samedi par arme à feu un multirécidiviste en fuite. Les policiers demandaient une requalification en "violences volontaires avec arme par une personne dépositaire de l'autorité publique ayant entraîné la mort sans intention de la donner". "J'espère de tout coeur que le parquet voudra bien faire appel de cette qualification", avait dit Claude Guéant lui-même.
Comment a été lancée la polémique politique ? Bruno Beschizza, un secrétaire national de l'UMP s'en est pris à "certains juges" accusés de "n'appliquer que la présomption de culpabilité" en oubliant "la présomption d'innocence" face à "certains policiers". "On a, en France, des textes régissant la légitime défense qui sont bancaux", a-t-il expliqué au micro d'Europe 1, jeudi. "Je demande que s'applique une vraie présomption d'innocence pour ces policiers de terrain", a-t-il poursuivi. L'ancien syndicaliste a rappelé au passage qu'un policier "ne tire jamais par plaisir".
Même son de cloche du côté de Marine Le Pen a également pris part au débat. La présidente du Front national, a exprimé jeudi sa solidarité à l'égard des policiers. "Clairement, les magistrats dévoyés du tribunal de Bobigny ont appliqué l'adage de toujours du Syndicat de la magistrature", classé à gauche : "soyez pour le criminel, contre la victime et contre le policier", ajoute le FN. Le Front national soutient une "présomption de légitime défense pour les forces de l'ordre concernant l'exercice de leurs fonctions sur le modèle de la gendarmerie nationale".
Que répondent les magistrats aux attaques ? Les syndicats de magistrats ont déploré jeudi cette nouvelle polémique. "Je ne comprends pas cette polémique, ou plutôt je ne la comprends que trop. C'est un grand classique", a déclaré le président de l'Union syndicale des magistrats (USM), Christophe Régnard.
Le policier a été "placé sous contrôle judiciaire, pas incarcéré", a poursuivi Christophe Régnard. Il a justifié l'interdiction qui lui avait été faite de travailler par le fait que "des témoins de la scène sont ses collègues du commissariat". "J'espère que la polémique va s'arrêter là", a-t-il dit.