Les deux affaires n'ont a priori rien à voir. Mais la défense de Grande Paroisse (du groupe Total) dans le procès de l'usine AZF a bien l'intention de s'appuyer sur le cas Merah pour relancer l'hypothèse d'une explosion due à un acte intentionnel plutôt qu'à un accident chimique, près de onze ans après la catastrophe qui avait fait 31 morts à Toulouse.
Les avocats de Grande Paroisse utilisent le fait que le frère aîné de Mohamed Merah, Abdelkader, actuellement incarcéré pour complicité d'assassinats, était proche de la communauté islamiste d'Artigat (Ariège) qu'ils ont régulièrement mise en cause dans le procès AZF.
Une note de onze pages
Me Daniel Soulez-Larivière a indiqué mercredi qu'il avait adressé lundi à la Cour d'appel de Toulouse une note de onze pages soulignant que les tueries de Toulouse et Montauban perpétrées en mars 2012 par Mohamed Merah, montrent qu'il "existe bien à Toulouse et dans sa région un foyer islamiste radical structuré, qui était déjà extrêmement présent et actif en 2000-2001".
Le procès en appel pour homicides involontaires du directeur de l'usine Serge Biechlin et de son propriétaire Grande Paroisse a duré quatre mois et demi, jusqu'au 15 mars. La cour délibère depuis sur ce procès-fleuve et son jugement sera rendu le 24 septembre.
"Un foyer islamiste radical"
La défense a plusieurs fois regretté pendant les débats que les enquêteurs aient "négligé la piste intentionnelle". Me Simon Foreman a notamment souligné que dès 2000-2001, la communauté d'Artigat était "un foyer islamiste radical structuré" et déploré qu'il n'y ait eu "aucune vérification" sur une possible relation de cette communauté avec des salariés d'AZF, notamment Hassan Jandoubi mort dans l'explosion.
La communauté fut ensuite visée en 2007 par une enquête sur une filière de djihadistes vers l'Irak qui a débouché sur huit condamnations. Le frère aîné de Mohamed Merah était apparu plusieurs fois dans la procédure Artigat mais il avait bénéficié d'un non-lieu.
Me Soulez Larivière souligne par ailleurs que lorsque le procès AZF s'est terminé, Mohamed Merah n'était pas encore identifié. "Nous ne pouvions savoir où cela menait, nous avons beaucoup travaillé depuis, cela nous a traumatisés" a expliqué l'avocat de Total.
Les parties civiles en colère
Les principales associations de victimes d'AZF, parties civiles, ont vivement réagi à l'action de la défense. "Il serait temps que Total et sa défense respectent la douleur et la souffrance des Toulousains au lieu de l'instrumentaliser", a déploré Me Thierry Carrère pour "l'association des sinistrés du 21 septembre". "Ils sont encore en train de produire de la confusion" a insisté de son côté, Sophie Vittecoq pour le collectif "Plus jamais ça !".
"On en a plein les bottes d'être traités comme des salauds qui exploitent tout : on cherche seulement toutes les alternatives" rétorque Me Soulez Larivière.
L'avocat de la défense souligne d'ailleurs qu'il a adressé lundi une deuxième note à la Cour, sur une piste non intentionnelle. "Rien ne permet d'écarter la présence dans le sous-sol d'AZF de nitrocellulose", un explosif enfoui en grande quantité dans cette zone depuis la Première Guerre mondiale et qui a provoqué une explosion spontanée en décembre 2011 dans une entreprise voisine. "Cette hypothèse est une des plus plausibles" indique cette note.