Dix ans après le drame, la relaxe. C'est ce qu'a requis le parquet, jeudi à Rennes, dans le procès de deux policiers qui comparaissent pour "non-assistance à personne en danger" dans l'affaire de la mort, en 2005, de Zyed et Bouna, deux adolescents de Clichy-sous-Bois. Ces deux morts accidentelles par électrocution dans un transformateur EDF ont été à l'origine d'émeutes sans précédent dans les banlieues françaises.
"Ils sont en train d'enjamber pour aller sur le site EDF". Ouvert depuis lundi à Rennes, le procès a passé l'affaire au crible, à partir de l'intervention de la police dans un chantier de Livry-Gargan, le 27 octobre 2005, à 17h21, qui a mis en fuite un groupe de jeunes. Bouna Traoré, 15 ans, Zyed Benna, 17 ans, et Muhittin Altun, 17 ans, arrivent avec deux autres jeunes jusqu'à un cimetière de Clichy-sous-Bois. Derrière eux, les policiers ont cessé la poursuite. Mais à l'entrée du cimetière, les jeunes voient un autre véhicule de police arriver. Deux se cachent dans des massifs de fleurs, les trois autres escaladent un grillage qui interdit l'accès, à l'ouest du cimetière, à un petit bois bordé lui-même cinq mètres plus loin par le mur d'un site EDF.
"Ils sont en train d'enjamber pour aller sur le site EDF", lâche Sébastien Gaillemin à la radio en apercevant les silhouettes de deux des jeunes. Affectée à la radio de la police, l'autre prévenue, Stéphanie Klein, qui ne connaît pas non plus les lieux, explique penser qu'il s'agit d'un site administratif d'EDF, pas d'une centrale électrique. Sébastien Gaillemin fait le tour par la rue pour vérifier si les jeunes ont pu passer par les jardins environnants, et regarde par deux fois au-dessus du mur d'enceinte l'intérieur du site EDF, mais ne voit rien. Il revient avec ses collègues vers le cimetière où ils interpellent les deux jeunes restés cachés. Tous les policiers repartent au commissariat à 17h43.
"On n'apaise pas la douleur avec une nouvelle injustice". Alors que pour l'accusation, les policiers savaient que les deux ados se trouvaient dans le site EDF où ils ont trouvé la mort, la procureur Delphine Dewailly a estimé l'inverse. Elle a donc requis la relaxe pour les deux fonctionnaires, comme l'a fait systématiquement avant elle le ministère public en demandant le non-lieu tout au long de dix années de procédures judiciaires. "Il n'y a pas lieu d'entrer en voie de condamnation", a affirmé Delphine Dewailly. "On n'apaise pas la douleur d'un drame en causant une nouvelle injustice", a ajouté la magistrate.
"On ne baisse pas les bras". Un réquisitoire que Siaka Traoré, le frère de Bouna, a eu dû mal à entendre, même s'il garde l'espoir que justice soit rendue. "Les réquisitions auparavant, je n'avais fait que les lire, mais le fait d'être assis et de les entendre, ce n'est pas facile, ça fait mal. Maintenant, on est là, on ne baisse pas les bras. A présent, nos avocats ont plaidé, ce n'est pas encore la fin, on espère. Ça fait dix ans quand même, ce qui fait que l'on y croit, à nous d'être le plus optimiste possible. Restons forts et dignes, comme on l'a toujours fait jusqu'à maintenant", confie-t-il au micro d'Europe 1.
"On n'a surtout pas cherché à secourir Zyed et Bouna". Aujourd'hui président de "Au-delà des mots", association créée par les amis de Zyed et Bouna, Samir Mihi estime que ce procès n'a pas permis de lever le voile sur les circonstances du drame. "On ne demande pas à la justice de tout résoudre, on lui demande juste de prendre clairement une décision sur ce qu'il s'est passé", réagit-il au micro d'Europe 1.
Samir Mihi est persuadé que les policiers savaient et déplore qu'ils ne soient pas venu en aide aux deux jeunes. "D'après ce que l'on a pu entendre depuis lundi, on voit bien que le danger imminent a été balayé d'un revers de mains. On n'a surtout pas cherché à secourir Zyed et Bouna. On a seulement cherché à les cerner, à essayer de les appréhender. Le fonctionnaire de police prétend ne pas être un chasseur, mais plutôt être de la police de proximité, mais dès son arrivé dans le cimetière, il n'avait qu'une envie, c'était de les appréhender. Essayer de les secourir, ne serait-ce qu'essayer, même ça, ça n'a pas été fait", déplore-t-il.
Le procès doit s'achever vendredi matin avec les plaidoiries de la défense. Sébastien Gaillemin, 41 ans, et Stéphanie Klein, 38 ans, encourent au maximum cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende s'ils sont reconnus coupables de ne pas avoir porté secours aux adolescents.
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