Les services de renseignement français se seraient-ils trompés sur l'identification du second bourreau français de l’organisation État islamique ? C'est du moins ce qu'assurent plusieurs spécialistes du groupe djihadiste. Des soupçons confirmés par le principal intéressé, Mickaël Dos Santos, un temps présenté comme l'un des bourreaux de la vidéo montrant l'assassinat de l'otage américain Peter Kassig et de 18 soldats syriens. Seule certitude jusqu'ici, le jeune homme de 22 ans a bien rejoint les rangs du groupe Etat islamique, en août 2013.
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"Ce n'est pas moi présent dans la vidéo". Et c'est sur son compte Twitter, très actif depuis son arrivée en Syrie, que Mickaël Dos Santos a formellement démenti apparaître dans la vidéo de décapitation collective. "J'annonce clairement que ce n'est pas moi présent dans la vidéo", écrit-il sur son sixième compte Twitter, les anciens ayant été fermés, notamment en raison des nombreuses images violentes postées dessus. Mickaël Dos Santos se dit toutefois "prêt pour les prochains épisodes", surtout s'il s'agit "de soldats français ou américains".
"J'annonce clairement que ce n'est pas moi présent dans la vidéo"— عبد الودود الفرنسي (@abou_uthman_6) 20 Novembre 2014
Ses proches ne le reconnaissent pas. Si Mickaël Dos Santos a formellement été identifié comme étant le propriétaire du compte Twitter Abou Uthman, c'est sa présence sur la vidéo des syriens égorgés qui pose question. Et ce pour plusieurs raisons. D'abord, du point de vue de la ressemblance physique, l'homme présenté comme étant Mickaël Dos Santos sur la vidéo a les yeux très foncés. Or, les images diffusées sur son compte Twitter montrent un garçon aux yeux verts. Si bien que les proches ayant grandi avec Mickaël Dos Santos que nous avons rencontrés ne le reconnaissent pas sur la vidéo. Ses amis à la mosquée de Villiers-sur-Marne et ses voisins à Champigny sont formels : le jeune homme n'est pas présent sur la vidéo d'égorgement.
@bertrandhadet J'ai du mal à comprendre que le parquet puisse croire que c'est la même personne sur ces 2 photos. pic.twitter.com/TjWGbYJIBR— Romain Caillet (@RomainCaillet) 19 Novembre 2014
Sa propre mère auditionné par les services de renseignements français assure ne pas reconnaître son fils. Cette dernière a témoigné devant la caméra de BFMTV jeudi. "Ce n'est pas mon fils Mickaël Dos Santos. Je l'ai dit à la DGSI, [mercredi] et [jeudi], où j'ai été [auditionnée]", a-t-elle confié. "La barbe n'est pas la sienne (…) il a les yeux assez foncés sur la photo, alors que réellement il a les yeux verts-marrons. Je n'ai pas reconnu sa voix", explique-t-elle. "Plus je regarde, plus je sais que ce n'est pas lui", assure la mère de famille.
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Il parle un arabe parfait, alors que… Selon les spécialistes des mouvements djihadistes, il s'agirait d'un Syrien, en atteste son accent arabe dans la vidéo. "En regardant cette vidéo, on entend le personnage parler en arabe, un arabe parfait, de surcroit avec un accent syrien", soulève Wassim Nasr, journaliste pour France 24 et spécialiste du groupe djihadiste. Un constat partagé par David Thomson, journaliste à RFI, en contact avec des djihadistes français en Syrie. David Thomson nourrit aussi des doutes quant à son niveau de langue: "Sur la vidéo, il parle un argot syro-libanais impeccable. Honnêtement, si c'est bien Mickaël Dos Santos, je veux bien voir son professeur !", écrit-il sur Twitter. Selon quatre sources qu'il dit connaître au sein de l'organisation Etat islamique, il s'agirait en fait d'un Syrien nommé Abou Umarayn.
@RomainCaillet idem. J'ai 4 sources #EI qui me disent que c'est un syrien, un certain Abou Umarayn.— David Thomson (@_DavidThomson) 19 Novembre 2014
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Surprenant d'avoir deux Français dans une vidéo. Pour les spécialistes, le groupe Etat islamique n'a pas de raison de ne pas assumer la présence d'un second Français sur la vidéo. "Quand ils ont envie de mettre quelqu'un en avant, ils ne s'en cachent pas. Dos Santos est effectivement un djihadiste dans les rangs de l'organisation Etat islamique, s'il avait procédé à cette décapitation, il l'aurait dit", estime Wassim Nasr, interrogé par Europe 1.
Sauf que le but de cette vidéo était davantage de montrer la diversité des nationalités présentes aux côtés du groupe d'assassins preneur d'otages, estime Romain Caillet spécialiste des mouvements djihadistes. "Ça n'a aucun sens de mettre deux Français dans une vidéo censée représenter la 'Oumma' dans toute sa diversité", explique-t-il sur Twitter. "A mon avis chaque djihadiste figurant dans cette vidéo est d'une nationalité différente", suppose-t-il.
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Le parquet de Paris embarrassé. Forcé de s'expliquer, le parquet de Paris, a confirmé qu'il y avait bien des indices précis et concordants permettant d'identifier Mickaël Dos Santos comme étant l'un des "égorgeurs". Mais l'enquête se poursuit.