Le président de la République s'est-il retrouvé à proximité de l'organisateur des attentats de Paris ? La question fait froid dans le dos alors qu'on a appris mardi qu'Abdelhamid Abaaoud s'était rendu près du Bataclan peu avant l'arrivée de François Hollande. Ces révélations, données mardi par le procureur de la République de Paris, ont stupéfié les citoyens français et les services de sécurité de la présidence. Elles posent la question plus large de la sécurité du président lorsqu’il entreprend, comme à l’époque des attentats de Charlie, de se rendre sur les lieux du drame peu après les faits.
Un premier danger au Stade de France. Le vendredi 13 novembre, la première mise en danger potentielle de François Hollande a lieu à 21h20, lorsqu’un premier kamikaze se fait exploser devant la porte D du Stade de France. A ce moment-là, François Hollande se trouve à l’intérieur du stade, pour assister au match France-Allemagne. Dix minutes plus tard, un autre homme se fait exploser près de la porte H.
A 21h36, le chef de l'Etat a rejoint le PC sécurité du stade, comme en atteste une photo désormais célèbre montrant François Hollande au téléphone. Avant de quitter les lieux, il revient discrètement informer les responsables de l'exécutif présents en tribune et leur demande de rester pour ne pas alarmer le public. Que se serait-il passé si les kamikazes avaient réussi leur coup et étaient parvenus à pénétrer dans l'enceinte, provoquant panique et bousculades dans le stade ?
La "sécurité du président est garantie". Le véritable scénario est que le président de la République est exfiltré du Stade de France. Peu après minuit, il convoque un Conseil des ministres exceptionnel. A 1h30, il arrive dans le quartier du Bataclan. Il est alors accompagné par son Premier ministre, le ministre de l'Intérieur, la garde des Sceaux, ainsi que la maire de Paris Anne Hidalgo. L'assaut a été donné plus d’une heure avant. Une heure avant justement, Abdelhamid Abaooud rodait autour de la scène de crime, selon les analyses de géolocalisation de son téléphone.
La décision de se rendre sur place "quand l'opération était terminée" a été prise de manière "collective" avec les personnes responsables de sa sécurité, explique une source proche de l'exécutif. Et de marteler : la "sécurité du président est garantie et elle l'est à chaque instant". La venue du président s’est organisée en deux étapes. Il s’est d’abord rendu aux cotés des secouristes au café La Royale, un poste médical avancé, sur le boulevard des Filles du Calvaire. Le président s’est ensuite rendu quelques centaines de mètres plus loin. Le chef de l'Etat "ne s'est pas approché à moins de 300 mètres du Bataclan", insiste une source proche de l'exécutif.
Armes visibles ce soir-là. Pour assurer sa protection, la visibilité est de rigueur : ce soir-là, François Hollande était entouré des hommes du Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR). Ces derniers avaient leurs "armes automatiques à la main, ce qui est très exceptionnel. D'ordinaire, leur rôle est plutôt de se fondre dans le paysage, les armes toujours dissimulées sous leur veston", précise la source proche de l'exécutif. L'Elysée souligne que pour être efficaces, les modalités de la sécurité présidentielle doivent rester confidentielles.
Le risque d’un scénario à l’irakienne. Quelqu'un a-t-il tenté de dissuader le président de se rendre sur place ? Non, affirme cette même source. Sauf qu’en privée, plusieurs membres du GSPR auraient désapprouvé, rétrospectivement, cette visite, selon les informations du Monde. Des hommes du Groupe de sécurité de la présidence de la République, encore marqués par la décision du président de se rendre sur les lieux de la tuerie de Charlie Hebdo, quelques heures après les faits.
A l’époque, la question s’était déjà posée d’un scénario à l’irakienne : un premier attentat visant à attirer les délégations officielles sur les lieux, pour ensuite commettre une seconde attaque. Lors des attentats visant Charlie Hebdo, l’Elysée avait assuré que toutes les mesures de sécurité avaient été prises. Et déjà à l’époque, les membres du GSPR avaient témoigné leurs réserves quelques mois plus tard, dans une interview au Monde. On n’a même pas fait passer un chien. Nous avons amené le président dans un espace suicidaire", estimait l’un des officiers de sécurité du chef de l’Etat, "inquiet de s’engager sur des terrains qui mettent en danger la vie du président".