Comme tous les assaillants, Ismaël Omar Mostefaï portait un gilet explosif vendredi soir, au Bataclan. Et comme les autres, il n'a pas hésité à actionner le bouton semant la mort. Pour la toute première fois, lors de la série d'attaques à Paris, des kamikazes islamistes ont employé des gilets explosifs, ouvrant une nouvelle ère, plus inquiétante, dans l'histoire du terrorisme en France.
Un gilet conçu pour provoquer un maximum de dégâts.Le procureur de la République de Paris, François Molins, a révélé samedi soir que les gilets piégés, tous identiques, étaient composés de TATP (péroxyde d'acétone, un explosif artisanal facile à fabriquer mais très instable), d'une pile, d'un bouton pression servant de détonateur et de boulons, afin de provoquer des éclats et de maximiser les dégâts.
L'oeuvre d'un expert. "Qui dit gilet explosif dit artificier : fabriquer un système explosif fiable et efficace n'est pas à la porté de n'importe qui", a expliqué samedi à l'AFP, sous couvert d'anonymat, un ancien chef d'un service français de renseignement. "Un artificier, c'est quelqu'un qui a l'habitude de manier les explosifs, qui sait les fabriquer, les arranger de façon à ce que la ceinture ou le gilet ne fasse pas du type un gros Bibendum qui ne peut pas se déplacer", ajoute-t-il. "Et il faut aussi qu'il ne saute pas intempestivement..."
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Quel est le profil de l’artificier ? Il est plus que probable que le technicien qui a fabriqué les ceintures ou les gilets du commando qui a ensanglanté Paris ne faisait pas partie de l'équipe d'assaut, estiment trois spécialistes consultés samedi par l'AFP."Le spécialiste en explosif est trop précieux, il ne participe jamais aux attaques", estime Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité à la DGSE. "Donc il est là, quelque part..." Pour Pierre Martinet, ancien membre du service Action de la DGSE reconverti dans le conseil de sécurité aux entreprises, "l'artificier n'est pas de la chair à canon. Il est là pour fabriquer d'autres ceintures et permettre à d'autres gars de passer à nouveau à l'action".
"Un manuel du petit chimiste ne suffit pas". "Ça ne se fait pas en deux jours", poursuit la même source. "Il faut des semaines de formation, et il faut travailler sous les ordres d'un +maître+. C'est un travail minutieux, il faut un gars qui sache ce que c'est qu'un explosif, un détonateur, comment relier les éléments entre eux sans que ça vous pète au visage". Contrairement à une idée répandue, un tutoriel sur internet ou un manuel du petit chimiste ne suffit pas à apprendre comment fabriquer l'arme favorite des candidats au martyr. "Ils n'ont pas importé les ceintures de Syrie : plus tu trimballes ces machins-là, plus tu multiplies les risques. Il est très vraisemblable qu'il y a ici, en France ou en Europe, un ou plusieurs gars qui sont revenus des terres de jihad et qui ont appris là-bas sur le tas", dit-il.
Pourquoi c'est inquiétant. A la veille de la COP21 au Bourget, puis des fêtes de fin d'année, "c'est extrêmement inquiétant", ajoute le même haut-responsable à la retraite. "Désormais, les rassemblements où il va y avoir de la foule sont susceptibles d'être ciblés. Tous les services sont sur des charbons ardents".
Une marque de l'engagement du fou de Dieu. Autre motif d'inquiétude : le fait que le groupe Etat islamique, qui a revendiqué l'attaque parisienne et promis que ce n'était qu'un début, soit parvenu à monter un commando de candidats au martyr, capables de commettre un tel massacre sur des civils désarmés puis de se faire sauter. "C'est dans leur logique : on est au-delà de l'engagement du soldat. C'est l'engagement du fou de Dieu, qui se fait exploser quand il est à cours de munitions", estime le même haut-responsable. "Vous imaginez à quel point il est difficile de lutter contre un tel ennemi…" "Leur grande force, c'est leur détermination sans faille", ajoute Pierre Martinet. "Rappelez-vous la phrase de ben Laden reprise par Mohamed Merah : +nous aimons la mort comme vous aimez la vie...+"