La justice a confirmé, mercredi, le non-lieu dans l'affaire du Bugaled Breizh, rejetant le recours des familles des cinq marins morts dans le naufrage du chalutier breton dans la Manche, en janvier 2004. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes a ainsi suivi les réquisitions de l'avocat général. Mais certains proches des victimes n'entendent pas en rester là et comptent déposer un recours auprès de la Cour de cassation.
Un arrêt qui signe la fin des investigations. En mars, lors d'une audience qualifiée de la dernière chance, l'avocat général Pascal Bougy avait en effet réclamé la confirmation du non-lieu prononcé il y a un an, portant un nouveau coup aux espoirs des proches des victimes qui réclamaient la poursuite des investigations. "Il ne peut qu'être constaté [...] que les causes du naufrage du Bugaled Breizh n'ont pu être établies avec certitude : accident de pêche ou intervention d'un sous-marin. L'information n'a ainsi pas mis en évidence d'éléments suffisants permettant de caractériser les infractions pour lesquelles elle a été ouverte [...] et aucune investigation complémentaire n'apparaît susceptible d'être utilement ordonnée", écrit la juridiction dans son arrêt.
Secret défense. Close le 3 juillet 2013, l'instruction du dossier, qui s'est plusieurs fois heurtée au secret défense, n'a pas validé la thèse soutenue par les proches des victimes qui continuent de croire que le Bugaled Breizh, immatriculé au Guilvinec dans le Finistère, a été envoyé par le fond par un sous-marin qui se serait pris dans ses filets. Des manœuvres internationales avec des sous-marins de diverses nationalités, y compris français, se déroulaient dans la zone où le chalutier était en train de pêcher au moment de l'accident le 15 janvier 2004, au sud-ouest de l'Angleterre.
Début mars, lors de audience, Dominique Tricaud, l'avocat de Thierry Le Métayer, dont le père Georges était le mécanicien du Bugaled, et les deux autres avocats des parties civiles avaient à nouveau plaidé pour que la justice reconnaisse la responsabilité d'un submersible, dénonçant un dossier placé "sous le signe du mensonge par action et par omission". Me Tricaud avait réclamé la poursuite des investigations et notamment l'audition de membres d'équipage de sous-marins ayant navigué selon lui à proximité du chalutier.
Un non-lieu requis par l'avocat général. Mais l'avocat général Pascal Bougy avait estimé qu'il existait "toujours deux hypothèses" pouvant expliquer le naufrage, l'accident de mer et l'accrochage avec un sous-marin, "extrêmement crédibles" toutes les deux. Il avait ainsi demandé la confirmation du non-lieu, estimant qu'il fallait "avoir le courage de dire qu'on ne peut pas continuer indéfiniment une enquête quand on a la certitude qu'il n'y a plus la moindre chance de prouver quoi que ce soit". "Il reste une large part de doute, la vérité je ne la connais pas", avait-il reconnu. "On n'a aucune trace de peinture, de matériau qui permette d'établir un lien de causalité entre la présence d'un sous-marin et le naufrage", avait-il ajouté, douchant les espoirs des proches des marins disparus.
Certains proches de victimes se pourvoient en cassation. Toutefois, la confirmation du non-lieu ne signifie pas pour autant la clôture définitive du dossier. Une partie des familles et l'armateur, qui disposent de cinq jours pour se pourvoir en cassation, ont immédiatement annoncé leur intention de le faire. L'armateur du Bugaled, Michel Doucet, a exprimé sa "rage" face à cette décision qui constitue à ses yeux "un gâchis total" envers les victimes et une "injustice". "Il va y avoir un pourvoi en cassation et, s'il le faut, j'irai jusqu'à la cour européenne de justice", a-t-il déclaré après l'annonce de l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel. "Qu'on ne vienne plus nous dire que la France est le pays des droits de l'homme", a lancé pour sa part Thierry Lemétayer, fils de l'un des marins disparus.
Mais d'autres proches de victimes vont probablement en rester là. "Mes clients sont lassés, fatigués. Ils m'ont dit qu'ils n'iront pas au-delà", a annoncé Christian Bergot, avocat d'autres parties civiles. Ce dernier, pessimiste sur la possibilité de connaître un jour la vérité, a rappelé que "les gens qui étaient aux affaires à l'époque" sont maintenant pour partie à la retraite et "peuvent donc s'exprimer librement". Avant de conclure : "Si le silence a été tenu pendant ces 11 années, je crains malheureusement que les gens ne parlent pas."