C’est le Palais marocain qui aurait proposé, en premier, un arrangement financier. Voilà ce qu’avancent Eric Laurent et sa consœur Catherine Graciet, tous deux mis en examen pour "chantage" et "extorsion de fonds", dans la nuit de vendredi à samedi. Les deux journalistes sont soupçonnés d’avoir fait chanter le roi du Maroc, Mohammed VI, en lui proposant de ne pas publier un ouvrage à charge contre trois millions d’euros.
Des enregistrements partiels. Après les retranscriptions d'enregistrements publiées ce week-end par le JDD, l'avocat d'Eric Laurent, Me William Bourdon, dénonce même une manipulation. Lors de ces enregistrements, Eric Laurent fixe le montant de la transaction à 3 millions d’euros. Mais d’après Me Bourdon, les écoutes secrètes réalisées par l’avocat du Maroc pendant les réunions n’ont pas été transmises à la police en entier, ce que confirment des sources policières qu’Europe 1 a pu consulter.
Pas "d’intimidation" ni de "chantage". Si les enregistrements sont incomplets, les enquêteurs n'ont donc pas tout le contexte de certains propos, pas tous les éléments pour établir une tentative d’extorsion. Selon Me Bourdon, ces morceaux sont sortis de leur contexte pour faire porter le chapeau à son client : "Contrairement à ce qui est affirmé, c’est l’émissaire du palais qui initie un processus en vue d’un arrangement. Eric Laurent accepte et il l’assume. Et il évoque un montant, mais dans un climat d’une très grande cordialité, sans intimidation et sans chantage", défend l’avocat au micro d’Europe 1.
"Un accès de faiblesse". Dans ce contexte, les deux maîtres chanteurs présumés affirment donc s'être fait piéger. Devant ces trois millions d'euros, Catherine Graciet reconnaît dans Le Parisien, lundi matin, avoir eu "un accès de faiblesse, c'est humain". Eric Laurent traversait, lui, un moment difficile, sa femme est gravement malade, atteinte d’un cancer généralisé. Dans un entretien au Monde, il explique également avoir cédé à la tentation par peur que "s’instaure une république islamique" au Maroc, compte tenu des révélations gênantes contenues dans l’ouvrage sur certains comportements de la famille royale marocaine.
Mohammed VI partie civile. Une bataille judiciaire s'ouvre désormais. Les avocats des deux journalistes veulent que les écoutes menées par l'avocat marocain ne soient pas prises en compte par les juges. En plus d’être incomplètes, ils estiment que celles-ci sont illégales puisqu’elles ont été réalisées par la partie civile, leur adversaire dans cette affaire.