"Ça se passe toujours de la même façon, dans les toilettes". Voilà comment mercredi Dominique Cottrez a fait le récit mercredi des huit infanticides qui lui valent de comparaître devant la cour d'assises du Nord. Face aux jurés, l'ancienne aide-soignante de 51 ans, s'est rappelée les six nourrissons nés après son déménagement dans une nouvelle maison et dont les corps ont été retrouvés au fond d'une cuve, dans le garage. Les cadavres des deux premiers nouveaux nés avaient été retrouvés dans le jardin de l'ancienne maison de ses parents à Villers-au-Tertre, dans le Nord, le 24 juillet 2010.
18 ans de réclusion criminelle requis
MAJ, le 01/07/15 à 17h50 - L'avocat général a requis 18 ans de réclusion criminelle mercredi à l'encontre de Dominique Cottrez. "Je vous demande une peine équilibrée, suffisamment sévère mais suffisamment empreinte d'humanité", a précisé Eric Vaillant, à l'issue d'un réquisitoire qui a duré un peu plus d'une heure demie.
"Après, je vais me recoucher". Devant la cour, elle est restée debout toute la matinée mercredi, mouchoir dans la main gauche, ne s'asseyant que très rarement. Assaillie de questions par la présidente, Anne Segon, les souvenirs de Dominque Cottrez semblent s'évanouir au fur et à mesure des macabres naissances.
"J'ai caché jusqu'au bout", se remémore-t-elle, des sanglots dans la voix. Petit à petit, elle dévoile le récit de la troisième naissance. "Je l'ai attrapé, mis dans une serviette, serré au niveau du cou (...) j'ai tout mis dans un sachet", raconte Dominique Cottrez. "Vous pleurez ?", lui demande la présidente. "Dans la panique, non", répond l'accusée. "Après je vais me recoucher, comme si de rien n'était. Le matin je ne sais plus si je travaillais ou pas... mais certains matins je reprenais ma vie comme avant", poursuit-elle, alors que les souvenirs commencent déjà à se mélanger.
"Plus ça avançait, plus c'était facile". Il faut donner des numéros aux bébés tués, pour s'y retrouver dans les souvenirs de Dominique Cottrez. Une seule fois, elle a accouché dans son lit. Les autres fois, aux toilettes. Elle décrit les gestes faits ce jour-là, enfin ceux dont elle se rappelle. La présidente note que le premier accouchement clandestin avait nécessité un grand nettoyage.
"J'étais peut-être plus organisée", acquiesce Dominique Cottrez. "Plus ça avançait", commence la présidente. "Plus c'était facile", complète Mme Cottrez. "Je me retenais le plus possible pour que ça arrive le soir, quand tout le monde est couché", explique l'accusée. "Vous avez l'impression de complètement maîtriser ce moment-là ?", s'interroge la présidente. "Oui".
"J'ai fait ça toute seule, je l'affirme". La voix de Dominique Cottrez se brise moins, au fur et à mesure des infanticides. Mais une question de la présidente la fait de nouveau vaciller. "Pourquoi vous ne coupez pas le cordon ?", demande Anne Segond."J'avais peur de lui faire mal", répond-elle. Jamais il ne lui est venu à l'esprit d'utiliser des ciseaux.
Dominique Cottrez accouche toujours seule, toujours de la même façon. La présidente se penche sur ses précédentes déclarations, qui a suggéré pendant une audition que son mari était au courant de tout. "J'ai fait ça toute seule, je l'affirme", lance Dominique Cottrez, expression limpide qui lui fait parfois défaut. Mais son mari ? "Je pense qu'il savait", dit-elle timidement, sans plus de détails. Son père, incriminé dans ses premières déclarations ? "J'ai tout inventé".
"Si c'est votre mari, il a été lâche". Lundi, Dominique Cottrez avait mis un terme à la thèse de l'inceste, qu'elle avait elle-même émise pour expliquer ses gestes. "Quand on a commencé à parler de mon père (...) c'est ce qui m'a tendu la perche. J'avais l'impression que concernant le médical, ce n'était pas quelque chose de possible qu'on mette fin à la vie des bébés", avance-t-elle.
Rappelant que les sacs contenant les deux premiers bébés décédés ont été enterrés dans le jardin, mais pas par Dominique Cottrez qui les pensait toujours dans le grenier de ses parents, son avocate, Marie-Hélène Carlier hausse le ton : c'est selon elle, soit le fait du mari, soit le fait du père. "Si c'est votre mari, il a été lâche, il ne vous en a même pas parlé. Si c'est votre père...", commence-t-elle. "Il a voulu me protéger", conclut l'accusée en sanglots. L'avocat général Eric Vaillant s'enquiert de ses moyens de contraception actuels : Dominique Cottrez ne peut plus tomber enceinte, elle est ménopausée.
Elle encourt la réclusion à perpétuité. Le verdict devrait être prononcé jeudi.