L'alerte enlèvement, déclenchée mercredi soir pour retrouver Vicente, 5 ans et demi, enlevé par son père dans un camp de gens du voyage à Clermont-Ferrand, a été levée jeudi. Une décision qui peut sembler, de prime abord, étonnante puisque l'enfant et son père, un détenu en fuite, sont toujours recherchés. Mais est-ce vraiment anormal ?
Pourquoi le dispositif a-t-il été levé ?
- L'obtention d'un grand nombre de renseignements
Le dispositif n'a pas vocation à durer dans le temps. "Le plan alerte enlèvement n'est pas une baguette magique, ce n'est qu'un appel à témoins renforcé", a rappelé Eric Maillaud, le procureur de la République de Clermont-Ferrand, lors d'un point presse jeudi. "Réussir à chaque fois n'est pas possible statistiquement", a-t-il martelé.
En effet, de ce point de vue, tout a bien fonctionné dans l'enquête sur l'enlèvement de Vicente. Depuis le déclenchement de l'alerte, 800 appels ou signalements ont été recueillis, via le numéro d'appel 197. Parmi ceux-ci, certains ont apporté de vrais renseignements aux enquêteurs, que les hommes de la police judiciaire sont en train d'exploiter. Ils visent notamment le sud de la France - un triangle Bordeaux-Toulouse-Montauban - où le père a des attaches familiales dans la communauté des gens du voyage.
- Le profil du père
Les liens du père avec la communauté des gens du voyage ne facilitent pas la tâche des enquêteurs. Le procureur Eric Maillaud met notamment en exergue leur maillage familial et territorial. Il évoque des "camps dans lesquels il n'est pas nécessairement aisé d'enquêter - avec des personnes qui ne sont pas toujours enclines à coopérer avec les forces de l'ordre ou avec la justice - et d'obtenir des informations. [Le père] a sans doute une capacité plus grande à se dissimuler, et à rendre l’enquête plus délicate", estime-t-il.
Ce qui a rendu l’enquête moins opérante cette fois, c'est aussi le profil de Jason Lopez, détenu en cavale, homme ultra-violent, obéissant à sa propre logique ou à celle de son clan. L'homme est donc moins accessible aux messages des autorités ou de ses proches.
Y a-t-il des précédents ?
Le plan alerte enlèvement a été mis en place en 2006 en France. Avant l'enlèvement de Vicente, il avait déjà été déclenché 19 fois, permettant toujours de retrouver les enfants kidnappés. En général, le délai entre le déclenchement de l'alerte et la découverte de l'enfant est très court. En octobre 2016, une alerte enlèvement avait été lancée après l'enlèvement de Djenah, quatre mois, par son père. Dès le lendemain matin, l'homme s'était rendu. En août 2016, Nathael, un jeune garçon de 9 ans, avait été enlevé par son père dans la nuit, à Romenay, en Saône-et-Loire. Un peu plus de 24 heures après les faits, et le déclenchement de l'alerte, le père et son fils avaient été retrouvés.
Un seul cas dénote. Celui d'Elise, une petite fille franco-russe de trois ans et demi, enlevée en 2009 par sa mère à Arles, dans les Bouches-du-Rhône. Sa disparition avait aussitôt conduit au déclenchement du dispositif alerte enlèvement, ainsi qu'un avis de recherche d'Interpol. La fillette avait été retrouvée trois semaines plus tard. Entre temps, comme pour Vicente, l'alerte enlèvement avait été levée. Pour rappel, la mère avait été interpellée à la frontière entre l'Ukraine et la Hongrie.
Quelles suites pour l'enquête ?
Les très nombreux renseignements recueillis depuis mercredi par les enquêteurs grâce au plan alerte enlèvement vont "permettre à l'enquête judiciaire de se poursuivre et de s'intensifier dans le cadre de la flagrance", a indiqué le procureur de la République de Clermont-Ferrand, jeudi.
L’enquête continue. Il faut juste accepter qu'elle soit un peu plus longue cette fois-ci.