Les deux policiers mis en cause dans la mort de Zyed et Bouna seront fixés sur leur sort, lundi, dix ans après le drame. Après avoir examiné les faits en mars dernier, le tribunal correctionnel de Rennes doit trancher sur leur culpabilité alors qu’ils sont poursuivis pour non-assistance à personne en danger dans cette affaire qui avait entrainé la mort de deux adolescents à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis.
Le 27 octobre 2005, Bouna Traoré, 15 ans, et Zyed Benna, 17 ans, meurent électrocutés sur le site d’un transformateur EDF où ils avaient cherché refuge pour échapper à la police, à leurs trousses. Seul leur camarade, Muhittin Altun, 17 ans, qui les accompagnait, en avait réchappé, brûlé sur 10% du corps.
Une reconnaissance de culpabilité. En mars dernier, le procès de ces deux fonctionnaires de police s’était tenu dans un climat serein, bien loin des trois semaines d'émeutes que le fait-divers avait déclenché dans les banlieues françaises. Devant le tribunal, les deux policiers étaient apparus très émus, face aux familles de victimes venues réclamer des réponses, mais aussi "la reconnaissance de la non-assistance à personne en danger", d’après les termes de Jean-Pierre Mignard, l'un des deux avocats des parties civiles.
"S’ils entrent sur le site, je ne donne pas cher de leur peau". Les faits remontent aux vacances de la Toussaint 2005. Lors d'une course poursuite entre jeunes et policiers, les trois adolescents avaient escaladé une porte pour se cacher dans un local bétonné abritant une réactance, un dispositif très dangereux situé sur le site EDF. comme le signalait un message d'avertissement de danger situé sur le côté du local.
Sébastien Gaillemin, gardien de la paix affecté à l'époque à la police de proximité, avait vu deux "silhouettes" enjamber un grillage délimitant un cimetière et pénétrer ainsi dans un petit bois dans lequel, cinq mètres plus loin, un mur interdisait l'accès au site du transformateur. "S'ils rentrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau", avait-il lâché sur la radio de la police, à l'écoute de laquelle était sa collègue Stéphanie Klein, alors jeune policière stagiaire, accusée elle aussi de ne pas avoir réagi.
C’est notamment pourquoi, pour les avocats des parties civiles, Sébastien Gaillemin savait que trois des jeunes mis en fuite dix minutes plus tôt par d'autres policiers étaient entrés sur le site. Le drame s'est déroulé près de 30 minutes après le départ des policiers. A l'audience, le gardien de la paix avait assuré avoir vérifié, par deux fois, qu'il n'y avait plus personne sur place avant de quitter les lieux et être, à ce moment-là, certain que les jeunes n'y étaient pas.
Pas de sanction à l’issue de l’enquête interne. Après une enquête interne, les policiers n'ont jamais été sanctionnés et ont même reçu lors de l'audience le soutien de l'agent judiciaire de l'État, qui assumera en cas de condamnation les éventuels dommages et intérêts et frais réclamés par les familles, soit près de 1,6 million d'euros. Mais "si c'est une déclaration de culpabilité, il y aura des recours", a prévenu Daniel Merchat, l'avocat des fonctionnaires.
Jusqu’à cinq ans de prison et 75.000 euros d’amende. "N'ayant pas conscience du danger, il ne peut pas lui être reproché de ne pas avoir agi pour y remédier", avait considéré, à propos du gardien de la paix, la procureure adjointe Delphine Dewailly, lors de son réquisitoire. Pour que les policiers soient condamnés, le tribunal doit considérer qu'ils avaient connaissance d'un danger certain et imminent pour les jeunes, et surtout, qu'ils ont volontairement omis d'alerter les secours.
Les deux fonctionnaires encourent jusqu'à cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende.