Dominique Strauss-Kahn a obtenu jeudi la condamnation en diffamation de l'auteur de La Ballade de Rikers Island, un roman sur l'affaire du Sofitel qui a coûté sa carrière à l'ancien patron du Fonds monétaire international (FMI).
Le tribunal correctionnel de Paris a condamné l'auteur, Régis Jauffret, à une amende de 1.500 euros avec sursis, ainsi qu'à 10.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral. La justice a aussi interdit toute nouvelle édition du roman comportant les passages jugés diffamatoires. Le tribunal a revanche débouté l'ancien ministre de ses demandes concernant les Éditions du Seuil et leur patron Olivier Bétourné, déclarant nulle la citation délivrée à son encontre.
"Scène de viol". L'avocat du plaignant, Me Henri Leclerc, avait lors de l'audience en mars, dénoncé une "diffamation effroyable" distillée à travers ce roman de plus de 400 pages paru le 16 janvier 2014 et qui décrit la chute d'un homme, le désarroi d'une femme et, de façon très précise, une "scène de viol". Seul nom cité dans ce livre, celui de Nafissatou Diallo, la femme de chambre du Sofitel de New York qui a envoyé Dominique Strauss-Kahn en prison, à Rikers Island, sur des accusations de viol en mai 2011. Si cette affaire s'était finalement soldée par une transaction financière, elle avait coûté sa carrière à au brillant économiste, alors favori de la course à la présidentielle française de 2012.
DSK "ne s'appartient plus". Or, pour le plaignant, le récit d'un viol contredit la procédure américaine qui a abandonné toute poursuite contre DSK. "Ce livre décrit un viol, à l'indicatif. Le lecteur croit lire enfin le récit de ce qui s'est passé dans la suite 2806 du Sofitel", avait tonné Me Leclerc. Les avocats de Régis Jauffret et du Seuil avaient plaidé la liberté totale de la "création littéraire": liberté "de mentir, d'inventer" car DSK "ne s'appartient plus", "le monde entier a déjà commenté cette affaire". L'auteur lui-même proclame en ouverture de son livre: "Le roman, c'est la réalité augmentée".
Roman. Dans sa décision, le tribunal estime que "la sémantique utilisée, dont l'utilisation même, à trois reprises, du terme de viol, excluent l'hypothèse de la simple narration d'une relation sexuelle consentie entre deux adultes amateurs de rapports brutaux ou de jeux de soumission et de domination". "Outre que le dernier chapitre se présente avant tout comme une description réaliste, voire clinique, de la scène de viol", la décision relève "la place même du chapitre incriminé, qui vient, de manière spectaculaire et dramatique, clôturer l'ouvrage". Tranchant entre liberté d'expression et protection de l'honneur, le tribunal a jugé qu'"il ne saurait suffire, pour prétendre échapper à toute condamnation, de s'abriter sous la qualification expresse de 'roman'".