L’idée serait venue de Nicolas Sarkozy. Entendu par le tribunal correctionnel de Paris jeudi, Claude Guéant a affirmé clairement que "c'est le président de la République qui a proposé le nom de François Pérol" à la tête du groupe bancaire BPCE, issu du mariage entre la Banque populaire et la Caisse d'épargne (BPCE). Cet ex-secrétaire général adjoint de l’Elysée est jugé, depuis lundi, pour prise illégale d'intérêts pour avoir accepté, en février 2009, de prendre les commandes de ce groupe alors qu'il avait suivi cette fusion lorsqu'il était en poste au palais présidentiel.
Répartition des rôles. A la barre, Claude Guéant a expliqué quel était le rôle concret des membres du secrétariat général de l’Elysée qu’il dirigeait et dont faisait partie François Pérol. Avec cette démonstration, l’ancien secrétaire général de l’Elysée a tenté de montrer que les conseillers étaient là pour informer le président Sarkozy, pour apporter leurs analyses, leurs points de vue, mais à aucun moment pour se substituer à lui et prendre des décisions.
Selon Guéant, Pérol n’était pas intéressé par la BPCE. Et, devant les juges, Claude Guéant est même allé plus loin. D’après lui, François Pérol - qui n'a cessé depuis le début du procès de défendre son éthique professionnelle - ne voulait pas de sa nomination aux commandes des deux banques. Dans le contexte de crise financière sans précédent à l’époque, il n’y avait pas d’autres solutions, la fusion des deux banques était inévitable.
Mais les dirigeants de la Caisse d’Epargne et de la Banque populaire n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur le nom du nouveau patron. L’ancien secrétaire général de l'Elysée a ensuite expliqué qu’il revenait aux conseils d'administration des deux entités bancaires d'avaliser ou non ce choix - ce qu'ils ont fait dans les jours suivants.
"Une attention active"... Face à l’urgence et à la gravité de la situation, le président de la République Nicolas Sarkozy qui portait, selon les termes de Guéant, une "attention active" au dossier, a donc jugé qu’il fallait quelqu’un de neutre. Sarkozy aurait donc pensé à François Pérol, dont il avait pourtant besoin à l’Elysée. De son côté, le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer, intervenu avec la direction du Trésor pour recommander la fusion des deux banques et un changement de gouvernance", a assuré n'avoir "jamais reçu d'instruction" de l'Elysée. Il a toutefois reconnu que si Nicolas Sarkozy avait opposé un veto au projet, "tout se serait arrêté".
.... Et une "annonce sans appel". D'ailleurs, le président de la Caisse d'épargne, Bernard Comolet, a raconté aux juges que Nicolas Sarkozy lui avait signifié sans équivoque le choix de François Pérol, le 21 février 2009, lors d'une réunion à l'Elysée. C'était "une annonce sans appel", "présentée comme une décision", avait-il expliqué en ajoutant que Nicolas Sarkozy avait mis en balance l'aide des cinq milliards de l'Etat. "Le président n'a jamais exercé un chantage", a réagi Claude Guéant selon qui l'enjeu de cette réunion était de dire aux deux dirigeants qu'il était temps de remettre leurs établissements sur les rails".
"Quand le président a demandé à François Pérol de prendre ses fonctions, en lui laissant guère de choix, il a pris cela comme un défi, un devoir plus qu'une satisfaction", a déclaré l'ancien secrétaire général de l'Elysée. A écouter ce témoin phare de l’affaire, l’actuel patron de la BPCE se serait presque sacrifié en acceptant ce poste.