Son chapeau de cow-boy avait laissé place à un niqab. Derrière le portrait de jeune femme radicalisée, dressé par les médias pour décrire Hasna Aït Boulahcen, se cache une personnalité ambivalente. Celle d’une femme sans repère, à l’image de son environnement familial, et de son époque tourmentée. Une déperdition qui a conduit Hasna Aïtboulahcen "dans les bras" de son cousin Abdelhamid Abaaoud, à qui elle est venue en aide, lors de sa brève cavale, avant de mourir lors de l’assaut du Raid, le 17 novembre dernier. Pour la sœur d’Hasna, cette dernière n’avait aucunement l’intention de mourir. "Elle était juste un peu perdue mais ce n’était pas une terroriste", assure Djamila dans une interview au Parisien.
"On l’avait surnommée la Vache qui rit". Pour comprendre les errements Hasna, il faut remonter à son enfance. A l’âge de 8 ans, la jeune fille est séparée de sa sœur et placée en famille d’accueil, pendant quatre ans. "Cette décision a été prise parce que ma mère nous maltraitait", confie Djamila. Malgré une histoire familiale sinueuse, Hasna donnait à voir une image d’elle joyeuse et affable. "On l’avait surnommée la Vache qui rit car elle faisait bien rigoler son monde et elle adorait le fromage", se souvient sa sœur.
"Elle avait un tatouage tribal et un piercing sur la langue". A l’âge de 16 ans, Hasna perd pied, après un séjour passé au Maroc, dans la famille d’Abdelhamid Abaaoud, le commanditaire présumé des attentats du 13 novembre à Paris. "Elle en est revenue très amaigrie, avec plein de boutons sur le visage. Il a dû se passer quelque chose là-bas, mais je ne sais pas quoi. Ma sœur et lui ne se côtoyaient pas", assure Djamila. A cette époque, Hasna est d’ailleurs bien loin d’une quelque-conque pratique de l’islam. "Hasna portait des minishorts, des tee-shirts Jack Daniel’s. Elle portait aussi souvent un chapeau de cow-boy. Elle avait un tatouage tribal et un piercing sur la langue", détaille la sœur, qui décrit une jeune femme coquette, aimant plaire et sortir.
" Hasna portait des minishorts, des tee-shirts Jack Daniel’s. Elle portait aussi souvent un chapeau de cow-boy "
"Elle me disait qu’elle faisait ses cinq prières". La "métamorphose" intervient bien des années plus tard, en 2014, Hasna est âgée de 24 ans. Après des années de débauche, la jeune femme veut désormais un mari et intensifie alors sa pratique de l’islam. "Elle me disait qu’elle faisait ses cinq prières. Elle se rendait beaucoup à la mosquée d’Aulnay-sous-Bois", raconte Djamila. Mais le compagnon qu’elle s’était trouvée la délaisse pour une autre femme rencontrée au Maroc. Hasna déchante.
Dans une tentative éperdue, visant à se prouver qu’elle peut, elle aussi, être une bonne musulmane, la jeune femme se radicalise. "Quelques temps plus tard, j’ai vu des photos d’elle en niqab sur son profil Facebook. On ne voyait plus que ses yeux. Je ne l'avais jamais connue comme ça", assure sa sœur, qui ajoute qu’elle "n’avait pas conscience de la gravité de son comportement".
" J’ai vu des photos d’elle en niqab sur son profil Facebook. On ne voyait plus que ses yeux. Je ne l'avais jamais connue comme ça "
"Elle voulait se marier avec lui". C’est cette même inconscience qui a conduit Hasna à couvrir son cousin, de qui elle s’était entichée quelques années plus tôt, lorsque celui-ci l’a appelée à l’aide après avoir commis les attentats du 13 novembre à Paris. Djamila, qui a rencontré Abdelhamid Abaaoud pour la première fois à l’âge de 11 ans, décrit "un homme froid, voire glacial". Elle confie que sa sœur parlait avec lui, alors que ce dernier avait rejoint les rangs de l’Etat islamique en Syrie.
"Elle voulait se marier avec lui. (…) Pour moi, Hasna a été victime de notre cousin. Elle a été contrainte de lui trouver cet appartement à Saint-Denis. Abdelhamid Abaaoud l'avait menacé de tuer d'autres personnes si elle ne faisait pas ce qu'il voulait. Aujourd'hui, les gens ne savent pas qui elle était réellement. Hasna était trop gentille, trop naïve, trop influençable. Elle avait surtout envie d'avoir une famille unie", rapporte Djamila. Alors, Hasna s’exécute et trouve un lieu pour loger Abdelhamid Abaaoud et son complice Chakib Akrouh.
La suite est connue. Lors de l’assaut du Raid le 17 novembre, Hasna Aït Boulahcen meurt sous les décombres provoquée par l’explosion du gilet explosif déclenché par le complice de son cousin.