L’affaire avait mis en lumière la pudibonderie de Facebook en matière de nudité. Quatre ans après la suppression de son compte Facebook pour avoir publié une photo du tableau "L’origine du Monde", de Gustave Courbet, Fréderic Durand-Baïssas espère toujours faire juger le réseau social en France. Mais le géant américain a récemment fait appel de la décision du tribunal de grande instance de Paris, qui s'est déclaré compétent le 5 mars pour juger ce conflit. La justice se penche donc jeudi une nouvelle fois sur ce conflit opposant ce professeur des écoles passionné d’art au réseau social le plus consulté au monde.
Le lien vers un documentaire supprimé. Enthousiasmé par un documentaire sur Gustave Courbet et l’histoire de son "Origine du Monde", représentant un sexe féminin, Frédéric Durand-Baïssas décide de partager le lien renvoyant ver le reportage d’Arte. L’affaire remonte à 2011 et, à l’époque, les règles imposées par Facebook en matière de publication sont inconnues du grand public. Le passionné d'art découvre donc, stupéfait, que son profil a été supprimé en raison de sa récente publication.
"Le combat, c’est de défendre Courbet". Depuis, il mène une lutte acharnée pour faire juger Facebook en France et, dans le même temps, faire reconnaître le droit de publier une image d’art, même si elle représente un corps dénudé. "J’étais vraiment très vexé qu’un peintre du XIXeme français, qui est au musée d’Orsay, soit traité indirectement de pornographe. Le combat, c’est de défendre Courbet, condamné par des Américains, alors qu’on est en France et qu’il est au musée d’Orsay", résume-t-il au micro d’Europe 1.
Facebook "joue la carte de la procédure". Mais dans ce combat, Facebook joue toutes ses cartes pour décourager l’instituteur. Le réseau social a récemment fait appel de la décision du tribunal de grande instance de Paris, qui s'est déclaré compétent pour juger ce conflit, jugeant "abusive" la clause exclusive de compétence de Facebook. Obligatoirement signée par tous les utilisateurs du réseau social, elle désigne un tribunal de l'État de Californie, où siège l'entreprise, comme étant le seul habilité à trancher les litiges.
Soulignant que les moyens financiers de son client sont "sans commune mesure" avec ceux de Facebook, l'avocat de l'enseignant, Me Stéphane Cottineau, a estimé que le géant américain "joue la carte de la procédure" pour "décourager", "user" son client. "Manifestement Facebook a du mal à accepter de pouvoir être jugé en France. Depuis le début, il fait tout pour ne pas être jugé sur le fond, sur le problème de la censure", constate l’avocat au micro d’Europe 1.
"On est prêt à continuer". Mais Frédéric Durand-Baïssas ne compte pas se laisser intimider. "C’est vrai que c’est un combat difficile. Et ça fait quatre ans que ça dure, c’est un peu lassant, mais on ne s’attendait pas non plus à des facilités. C’est vrai que le temps peut être usant, mais on a tout le temps, on est prêt à continuer, même avec nos petits moyens. On a déjà bien progressé et ça pose problème à Facebook", espère-t-il.
"Une conception très anglo-saxonne de la liberté d’expression". Frédéric Durand-Baïssas déplore au passage la politique de Facebook concernant les publications de ses inscrits. "Aujourd’hui, je me pose la question de savoir si je voudrais récupérer mon profil Facebook. J’aimerais bien qu’il y ait un Facebook à la française, où il y ait moins d’images de violence. C’est bien dommage que Facebook face une censure aussi décalée", commente le professeur. Et son avocat de préciser : "Facebook a une conception très anglo-saxonne de la liberté d’expression. Sur Facebook on peut lire des propos homophobes, racistes, lire des propos qui font l’éloge du terrorisme, mais on n’a pas le droit de voir une cuisse ou un bout de sein dans une photo de nu".
Plusieurs affaires de censure ont en effet été révélées ces dernières années. Dernièrement, un bébé né sans nez, avait vu sa photo postée par sa mère, retirée par Facebook. Une photo jugée contraire à sa politique par le réseau social.