Jacques Poinas, ancien chef de l’unité de coordination de lutte antiterrorisme, était l’invité de David Abiker, dimanche, dans "C’est arrivé demain".
Après la capture de Salah Abdeslam, vendredi, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a salué "la bonne coopération" entre les polices belge et française. Invité de David Abiker, dimanche, Jacques Poinas, l’ancien chef de l’unité de coordination de lutte antiterrorisme (UCLAT) est donc revenu sur la question de la coordination européenne contre le terrorisme, que ce soit au niveau de la mutualisation des moyens que du partage des informations.
Le problème sensible des sources dans le cadre d'une coopération. Celui qui est aujourd'hui consultant pour le directeur général de la police nationale prévient d'abord qu'il faut distinguer entre la coopération dans les enquêtes judiciaires, "qui a toujours été bonne, est de bonne volonté et techniquement efficace" et celle concernant "le renseignement, et la détection et le démantèlement préventifs des réseaux".
En effet, cette partie qu'il a qualifié de plus "difficile", car "secrète et confidentielle", rencontre plusieurs obstacles dans le cadre de la mutualisation des informations par exemple. Il existe notamment des problèmes liés aux sources, indique Jacques Poinas. "Lorsque les services ont des sources ils les protègent". Or, "partager des renseignements, c’est parfois mettre en danger son informateur", explique-t-il. Ceci peut donc créer une "réticence légitime" au partage d’informations.
L’hétérogénéité des services de renseignement. A cela s’ajoute un autre obstacle à la coopération entre les Etats : celui lié aux problèmes de structure des services de renseignement. En France, par exemple, ils sont rattachés à la police. Mais, en Belgique, "la sûreté de l’Etat est un service administratif, à caractère civil". Ce qui induit que ses membres "n’ont aucun pouvoir de police".
Ces différences de modèles de renseignement varient au sein de l’Union européenne, compliquant la coopération. "L’Italie, l’Espagne sont assez proches de nous" en terme de structures, quand "les pays anglo-saxons et scandinaves", précise Jacques Poinas. La Belgique, elle, est "un peu à cheval entre ces deux mondes".
"On progresse de manière permanente". Autre exemple, les fameuses fiches S, attribuées aux individus présentant une menace potentielle pour la sécurité nationale - dont les individus radicalisés. "Elles ne sont pratiquement utilisées que par la France. Dans certains pays, la législation ne permet pas de mettre en attention une personne en dehors d'une enquête judiciaire", développe le spécialiste. "Et dans d'autres pays, où les renseignements n’appartiennent pas aux services de police, ils n'ont pas accès au système de diffusion policier".
Enfin, tous les pays européens ne sont pas exposés de la même manière à la menace djihadiste. Ainsi, la France, de par son rôle en politique extérieure - notamment de par "sa présence au Sahel" - est beaucoup plus concernée par le risque d'attentats que peut l'être la Lituanie. "Même si la solidarité est voulue, elle est difficile parfois à ressentir de manière permanente", souligne Jacques Poinas. Il se montre toutefois optimiste : "On progresse de manière permanente. [...] il faut voir d'où l'on vient! La coopération antiterroriste il y a 30 ans, cela n'allait pas loin".
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