Le parquet a requis mardi deux ans de prison avec sursis probatoire à l'encontre de deux quadragénaires de Noyelles-sous-Lens, jugés pour des années de maltraitances sur les huit plus jeunes d'une fratrie de dix. La procureure adjointe, a demandé à la cour d'assortir cette peine, avec sursis probatoire de deux ans, d'une obligation de soins et de l'interdiction, "dans l'immédiat", d'entrer en contact avec les victimes.
Un couple "dépassé", violent au quotidien, mais voulant garder ses enfants : le parquet a requis mardi deux ans de prison avec sursis probatoire à l'encontre de deux quadragénaires de Noyelles-sous-Lens (Pas de Calais), jugés pour des années de maltraitances sur les huit plus jeunes d'une fratrie de dix . La procureure adjointe, Virginie Valton, a demandé à la cour d'assortir cette peine, avec sursis probatoire de deux ans, d'une obligation de soins, de justification d'une activité professionnelle, et de l'interdiction, "dans l'immédiat", d'entrer en contact avec les victimes.
Le délibéré sera rendu le 9 février. "Je ne contesterai pas (...) le droit pour ces enfants de dire que pour eux, c'était la maison de l'horreur", a lancé la magistrate, reprenant un qualificatif utilisé par certains médias. Mais les parents n'étaient pas "des sadiques". "On est dans l'entre deux", "dans de la violence quotidienne, banalisée", a-t-elle dit. "On s'est sentis dépassés, fatigués", a tenté d'expliquer la mère, Christine B., 40 ans, visage émacié sous ses longs cheveux blonds, se décrivant "épuisée physiquement et mentalement.
"Surtout que nos enfants sachent qu'on les aime", a t-elle dit à la fin de l'audience. Avec son époux Marc R., elle comparaissait libre pour "violences par ascendant" sur mineurs de moins de 15 ans, sans ITT (incapacité totale de travail), et "soustraction par un parent à ses obligations légales". "C'était un calvaire, par moments", renchérit son conjoint, un réparateur automobile de 44 ans, qui ne sait "qu'un peu" lire et écrire et peine à s'expliquer.
"Courage et force" à d'autres victimes
Tous deux contestent les violences physiques dénoncées. Des petites tapes sur les mains, des fessées, "mais des coups, jamais", assure le père. L'un des aînés, Bryan, décrit lui "un père qui frappe", une mère violente et "soumise", malheureuse, vivotant à l'aide des allocations familiales. A sa sortie, il souhaite que le procès "donne du courage et de la force" à d'autres potentielles victimes, pour se signaler. Il avait appelé les services sociaux fin août 2022, déclenchant la saisie du parquet. Un frère et une soeur mineurs étaient avec lui à l'audience.
Au domicile familial, les policiers découvrent deux fillettes de deux et quatre ans attachées à leurs chaises hautes, à l'aide de sangles serrées, dans un état d'hygiène déplorable. Auditionnée, la fratrie racontera des années de maltraitances. Certains évoquent des "gifles, coups de poing". La plupart relatent des violences psychologiques et de graves négligences. Dents cariées, pathologies ou retards psychomoteurs mal pris en charge: les enfants sont "abandonnés à eux mêmes", résume une avocate des parties civiles.
Le père "nous disait +bâtard, fils de pute, je vais te niquer+. Toujours des insultes", décrit un des adolescents. "Si tu fais des enfants faut les assumer" sinon "tu les fais pas", lance, tête haute, sa soeur de 14 ans. Elle se dit heureuse d'être placée, affirme ne plus vouloir revoir ses parents.
"Parents carencés"
"Quand vous en arrivez à attacher vos enfants, pourquoi ne pas demander de l'aide?", interroge le président. Le couple avait fait l'objet de trois signalements depuis 2013. En 2016, entendus par la police, il nie en bloc. L'aîné rétracte ses accusations, l'affaire est classée sans suite. Au printemps 2022, les parents rencontrent des assistantes sociales. Mais ils rangent leur maison avant chaque visite, dissimulent leurs difficultés.
"J'avais peur qu'on me retire mes enfants. J'ai été enfant placée à l'âge de sept ans, je sais ce que c'est", se justifie la mère. "Comment les institutions ont-elles pu être si sourdes, aveugles?", pointe Véronique Boulay, avocate de l'association l'Enfant Bleu. Dans le Pas-de-Calais, frappé par chômage et pauvreté, 7.744 enfants étaient confiés à l'aide sociale à l'enfance fin 2020, selon la Drees.
A l'ouverture, la cour avait rejeté une demande de huis-clos de l'avocat du père, Bertrand Henne, qui pointait un "battage médiatique" disproportionné. "On a balancé une famille en pâture", regrette l'avocate de la mère, Charlotte Feutrie. Elle demande une sanction "proportionnée" pour des "parents carencés, en difficulté, qui n'ont pas appris à être parents".