Elle était jugée pour avoir tué huit de ses nouveau-nés, après avoir accouché en secret et dissimulé ses grossesses. Dominique Cottrez a été condamnée jeudi par la cour d'assises du Nord à neuf ans de prison pour cet octuple infanticide.
18 ans de prison requis. La peine est moins sévère que les 18 ans requis par l'avocat général. Les jurés, après cinq heures de délibéré, n'ont pas retenu la préméditation pour le premier infanticide, mais ont souligné un "dessein arrêté" pour les suivants. Ils ont également reconnu l'existence d'une altération du discernement de Dominique Cottrez.
"Un verdict d'apaisement". "C'est un verdict d'apaisement parce qu'un quart de siècle après le début de ces faits, cette femme de 51 ans, certes, dormira ce soir en prison mais elle n'y dormira pas pendant des années", s'est félicité son avocat Frank Berton à la sortie de l'audience. En quelques enjambées, son mari, ses deux filles, ont rejoint l'accusée à l'énoncé du verdict pour des embrassades collectives.
Sonnée après des réquisitions jugées plus que sévères par la défense, l'ancienne aide soignante affichait enfin un visage soulagé. "Elle a dit sa satisfaction, sa joie d'avoir été entendue pour une fois, d'avoir été comprise pour une fois, qu'on puisse enfin l'accompagner", a rapporté Me Berton.
"Justice est passée", pour l'avocat général. Le ministère public a d'ores et déjà annoncé qu'il n'interjetterait pas appel, après un procès qui s'est tenu "dans les meilleures conditions possibles". "Justice est passée, je pense qu'il n'y a pas besoin de faire appel de cette décision", a simplement déclaré l'avocat général Eric Vaillant. Il avait dans son réquisitoire demandé aux jurés de comprendre, mais pas d'excuser.
L'altération du discernement reconnue. Les neuf membres du jury, après cinq heures de délibéré, n'ont pas retenu la préméditation pour le premier infanticide, mais ont souligné un "dessein arrêté" pour les suivants. Ils ont également reconnu l'existence d'une altération du discernement. "Merci aux jurés, merci de nous avoir compris et de l'avoir comprise", a déclaré sa fille Virginie au micro d'Europe 1. Visiblement émues, sa sœur et elle ont souhaité la "retrouver le plus vite possible et reprendre une vie normale".
"Ce qui a primé, au-delà de l'humanité, c'est aussi la question de l'altération du discernement" dans ce cas de dénégation de grossesse, a noté de son côté Me Rodolphe Costantino, qui représentait l'association Enfance et Partage, partie civile. "J'espère seulement que l'opinion publique, uniquement marquée par l'horreur des crimes qu'elle avait commis -qui pourtant a été prise en compte dans cette décision- ne considérera pas que c'est une décision particulièrement clémente", a-t-il ajouté.
Le coup de théâtre qui fait basculer le procès. JUn rebondissement spectaculaire lundi a abasourdi jusqu'à son avocat : Dominique Cottrez avoue avoir menti sur une relation incestueuse avec son père, inventée semble-t-il de toute pièce pour tenter d'expliquer ses actes. "L'explication d'inceste nous rassurait, mais nous endormait aussi", a reconnu Éric Vaillant lors des réquisitions.
Il n'a pas requis la peine maximale suggérée par la loi, la réclusion criminelle à perpétuité. Il a demandé aux jurés de tenir compte de certaines circonstances : la personnalité de l'accusée, son "hyper-fragilité" et son "hyper-névrose", ses conditions de vie, ses troubles psychiques. Qui n'excusent pas tout. "Détermination, organisation et sang-froid", voilà des qualités dont a fait preuve Dominique Cottrez pour les meurtres, pour lesquels la préméditation a été retenue par les avocats généraux, sauf dans le premier cas, selon Annelise Cau, deuxième voix du réquisitoire.
Des questions subsistent. L'aveu du "mensonge" a permis d'une certaine façon à la parole de Dominique Cottrez de se libérer, a noté la magistrate. Elle est parvenue à raconter les premiers infanticides, même si un certain flou continue d'entourer ses souvenirs des derniers meurtres.
Des questions restent en suspens, en particulier de savoir qui a bien pu enterrer les deux premiers corps dans le jardin de la maison des parents de l'accusée. Leur découverte, le 24 juillet 2010 par le nouveau propriétaire de l'habitation à Villers-au-Tertre, avait lancé l'affaire. Les six autres cadavres avaient été retrouvés dans le garage de Dominique Cottrez.