Le procès de Daniel Legrand fils, l'un des treize acquittés de l'affaire Outreau s'est ouvert mardi devant la cour d'assises des mineurs à Rennes, où le jeune homme devra répondre de viols sur des enfants, qu'il aurait commis alors qu'il avait moins de 18 ans. Dix ans après ce fiasco qui avait ébranlé l'institution judiciaire, Daniel Legrand fils comparait pour des faits identiques à ceux pour lesquels il a déjà été acquitté en 2005. Âgé de 33 ans, Daniel Legrand fils encourt 20 ans de réclusion criminelle.
Les charges de viols avaient été retenues contre lui en 2003, à l'issue de l'instruction initiale de l'affaire Outreau menée par le juge Fabrice Burgaud, mais n'avaient pas encore été jugées pour la période où il était encore mineur. Comme pour les faits supposés commis alors qu'il était majeur et pour lesquels il a été acquitté, ces viols présumés auraient été commis sur les quatre fils de la famille Delay, dont le père et la mère ont reconnu avoir abusé sexuellement.
- Le président réclame des débats "sereins"
Le début de l'audience a été consacré à la possibilité de soumettre les débats au huis clos. Mais finalement, l'audience, publique, s'est ouverte mardi peu avant 10 heures. A l'ouverture du procès, les échanges ont été particulièrement musclés entre les avocats de la partie civile et ceux de la défense. Le président du tribunal a donc appelé à des "débats clairs et sereins".
"On préfère faire le procès des procès que de faire le procès", a déploré lors de l'audience Me Léon Lef Forster, avocat des parties civiles Chérif et Dimitri Delay, tandis que Me Dupont-Moretti, l'un des défenseurs de Daniel Legrand, dénonçait "tous ces gens qui voient des pédophiles partout".
- "Ça fait beaucoup pour un innocent, trois procès"
Daniel Legrand fils est a pris place dans le box des accusés, vêtu d'un blouson noir, une larme tatouée sur sa joue gauche. Il se trouve à quelques mètres de Jonathan Delay, l'une des victimes présumées. L’accusé de 34 ans, dont le père décédé en 2012 était aussi l'un des acquittés d'Outreau, est défendu par six ténors du barreau, qui ont défendu les acquittés dans les procès de 2004 et 2005, parmi lesquels Me Eric Dupont-Moretti, Me Franck Berton, ou encore Me Julien Delarue. Tous étaient présents à l'ouverture du procès, assis juste devant l'accusé.
"Je suis serein (...), je suis prêt pour défendre mon honneur", a affirmé Daniel Legrand fils avant l'ouverture du procès. "Ça fait beaucoup pour un innocent, trois procès", a-t-il ajouté. "C'est un procès qui n'a absolument aucun sens", a renchéri l'un de ses avocats, Me Eric Dupont-Moretti, ajoutant qu'"on ne vient pas ici pour démontrer son innocence, elle est acquise".
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— Noemie Schulz (@noemieschulz) 19 Mai 2015
- "Que la vérité soit dite"
De son côté, l’un des quatre fils de la famille Delay, attend de ce procès qu’il puisse mettre fin au "cauchemar Outreau". "Ça fait 10 ans que je vis avec un puzzle qui n'est pas terminé et seule une belle justice pourra m'apporter cette dernière pièce du puzzle qui pourra me laisser vivre à l'heure d'aujourd'hui", a affirmé aux journalistes l'un d'entre eux, Jonathan Delay, peu avant son arrivée dans la salle d'audience en début de matinée. "Je ne me considère pas comme victime, je veux juste être entendu, que les choses soient dites, que la vérité soit dite et c'est tout ce que je demande", a-t-il ajouté.
Dans la salle d'audience, Jonathan Delay était accompagné de deux avocats, Me Patrice Reviron et Sylvain Cormier, tandis que ses deux frères Chérif et Dimitri, étaient représentés par Me Leon Lef-Forster et Me Yves Monneris. En début d'après-midi, Dimitri a fait son entrée dans la salle des débats, mais Chérif était absent. "Ça va être difficile pour tout le monde", a reconnu l'un des avocats de Jonathan, Me Patrice Reviron. "Et si Daniel Legrand est acquitté à la fin d'un débat qui est loyal, ça ne posera pas de difficulté, y compris à Jonathan: il a envie de parler, il a des choses à dire", a-t-il poursuivi.
- Daniel Legrand revient sur son enfance
A la reprise de l'audience mardi après-midi, la cour s'est penchée sur l'examen de personnalité de l'accusé. Le fils Legrand a d'abord évoqué son enfance : "Je ne regrette rien de ma jeunesse, on s'amusait bien avec les copains". Gamin, il est animé par une passion, le foot. "J'aurais voulu en faire mon métier, j'avais le niveau", a-t-il raconté, dans le box des accusés. Lorsqu'il est arrêté dans l'affaire Outreau, il a 19 ans et demi. Son rêve n'y survivra pas. Mais les avocats de la partie civile ont tenté de démontrer que, contrairement à ce que Daniel Legrand affirme, il n'aurait pas pu devenir joueur professionnel. Même s'il a arrêté sa scolarité à 16 ans pour se consacrer au football.
- "Moi aussi je suis à plaindre"
Me Patrice Reviron, avocat de Jonathan Delay, a ensuite lancé au fils Legrand, dont le nom de son garçonnet de quatre ans est tatoué sur le bras : "Si votre fils vous dit un jour qu'il a fait l'objet d'agression sexuelle comment vous réagirez?" "Je le vivrais mal, je pourrais pas le supporter!", a répliqué l'accusé.
Puis, quand Me Reviron lui a demandé de faire le parallèle avec l'âge de Jonathan Delay lorsqu'il a fait l'objet de sévices, Daniel Legrand s'est emporté : "Je le connais pas, son âge à l'époque des faits, je veux pas le savoir, je veux pas m'intéresser à ce gosse-là." Et d'ajouter : "Moi aussi je suis à plaindre, c'est pas un long fleuve tranquille", avant de conclure: "Je sais même pas ce que je fais ici..."
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