Il était environ 18h45, mardi soir, quand Marie rentre chez elle, dans le 19ème arrondissement de Paris. En chemin, boulevard de la Villette, un homme ne la lâche pas : gestes déplacés, bruits obscènes, sifflements. Excédée, la jeune femme de 22 ans lui répond et l'insulte. "Pas de chance, c'était pas le premier de journée et j'étais fatiguée. J'ai donc lâché un 'Ta gueule', en traçant ma route", a-t-elle expliqué dans une publication Facebook.
"J'ai refusé d'être rabaissée". Au Parisien, Marie a précisé qu'elle ne pensait pas que l'homme l'avait entendue. Il la poursuit, saisit un cendrier sur la table de la terrasse d'un café de la rue Burnouf et le lance sur la jeune femme. Marie l'insulte : "J'avais la haine, j'ai refusé d'être rabaissée, c'était humiliant". C'est alors que l'homme s'approche. "J'ai refusé de baisser le regard, je l'ai regardé droit dans les yeux, je n'allais pas m'excuser", s'est-elle indignée.
"Ça a vrillé en quelques secondes". L'homme la frappe en plein visage. Au Parisien, Marie explique avoir l'arcade sourcilière et la pommette enflées. "J'avais mal, ça a tellement vrillé en quelques secondes, je ne m'en suis pas rendu compte tout de suite". Tandis que le harceleur reprend sa route, des clients l'interceptent. "Il hurlait", se souvient Marie. Choquée, la jeune femme rentre chez elle et revient vingt minutes plus tard sur la terrasse du café. "Les gens ont afflué, pour m'apporter leur soutien, pour me calmer et me dire qu'ils pourraient témoigner", se rappelle Marie.
Ouverture d'une enquête par le parquet de Paris. La jeune femme, reconnaissante envers les clients du café, s'est vu prescrire un jour d'ITT (interruption totale de travail). Le patron du bistrot lui a donné spontanément la vidéo et l'a emmenée déposer plainte. "J’ai beaucoup de chance d’avoir pu récupérer la vidéo, c’est un bon outil pour le combat des femmes", reconnait-elle. "Le problème, c'est l'insécurité systématique que font subir les hommes aux femmes. Certains hommes pensent que la rue leur appartient et qu'on n'a rien à y faire".
Lundi, le parquet de Paris a ouvert une enquête après la plainte déposée par Marie. L'enquête de flagrance a été confiée au commissariat du 19 ème arrondissement pour des faits qualifiés de harcèlement sexuel et violences avec arme, - en l'occurrence un jet de cendrier vers la plaignante.
Pour Marlène Schiappa, "l'enjeu est grave"
"L'enjeu est grave : c'est celui de la liberté des femmes de circuler librement dans l'espace public", a commenté Marlène Schiappa dans un entretien publié dimanche sur le site internet du Parisien. "Le droit actuel sanctionne (le) type d'agression" dont a été victime Marie Laguerre", rappelle-t-elle. Mais, ajoute-t-elle, "la grande nouveauté est que la loi va permettre d'agir en amont pour empêcher la gradation de la violence". "C'est primordial : en interdisant le harcèlement de rue, en sanctionnant par une amende de classe 4 les outrages sexistes, on abaisse le seuil de tolérance, on dit qu'il n'y a plus de fatalité", explique la secrétaire d'État.
Marlène Schiappa assure que "les premières amendes devraient être mises à l'automne". Le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, voté en mai par l'Assemblée, vise à créer un "outrage sexiste" pour le harcèlement de rue, passible de 90 euros minimum d'amende immédiate.