Une absence de réponse pour les familles, un échec pour la justice. Pour résoudre plus efficacement les "cold case" - ces affaires criminelles anciennes, complexes et oubliées - un groupe de travail composé de magistrats, de policiers, de gendarmes mais aussi d'avocats spécialisés a épluché les lacunes du système français à ce sujet. Les propositions seront sur la table du garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, d'ici la fin du mois. Une problématique loin d'être anecdotique : le nombre d'affaires concernées s'élèverait, selon un avocat spécialisé, entre 200 et 300.
Un manque de communication qui conduit à l'échec
Ces dossiers peuvent impliquer des tueurs en série, éparpillés partout en France. Ainsi, le groupe de travail plaide pour une centralisation des dossiers : un pôle de juges spécialisés dédiés aux "cold case", à l'instar de ce qui se fait actuellement en matière de terrorisme ou de délinquance financière.
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"Les tueurs en série voyagent dans toute la France, viennent même quelque fois de l'étranger. C'est ne se donner aucune chance de trouver la vérité que d'enquêter sur un dossier à Chalon-en- champagne, un deuxième à Reims, un troisième à Lyon et un quatrième à Toulouse", constate l'avocat Didier Seban. "Chaque juge a son affaire, sans que les magistrats ne se parlent, sans que les enquêteurs n'échangent. On se condamne à l'échec. C'est pour cela qu'aujourd'hui, on n'arrête pas les tueurs en série dans ce pays."
Une opinion que partage le journaliste Christophe Hondelatte, spécialisé dans les faits-divers à l'antenne d'Europe 1. Si le système psychiatrique français reste "beaucoup plus efficace que le système psychiatrique américain", estime-t-il, la rareté des tueurs en série en France peut aussi s'expliquer par l'individualité des juges d'instruction, qui peinent à rassembler plusieurs dossiers.
Il pointe également une limite : celle de la prescription, vingt ans après le dernier acte d'instruction. "Il faut savoir qu'un juge d'instruction a en moyenne 150 dossiers d'instruction dans son cabinet et que donc, il ne peut pas, lorsqu'il a clos un dossier, aller s'intéresser à d'éventuels pistes, d'éventuels rebondissements", explique-t-il au micro d'Europe. "La clé de ce pôle d'instruction sera l'ADN", ajoute le journaliste, restant convaincu du positif de cette proposition.
La problématique des scellés
La Chancellerie verrait d'un bon œil la création de ce nouveau pôle, mais devra faire face à d'autres problématiques telles que les scellés, par exemple. Conservés dans des cartons tant bien que mal dans les sous-sols des tribunaux, ces derniers peuvent être détruits six mois après qu'un juge décide de fermer un dossier, selon la loi. Il est donc impossible de confronter les preuves aux progrès des expertises scientifiques, réalisés des années plus tard.